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session libre qui s’est déroulée pendant l’interrègne parlementaire, qui a recommencé ou s’est continuée un peu partout par un dialogue assez bruyant entre libéraux et conservateurs. C’est M. Gladstone lui-même, qui, malgré son grand âge, a pris la direction de cette campagne nouvelle ; il est allé dans les grandes réunions d’Ecosse, prodiguant son éloquence, tantôt s’efforçant de modérer l’agitation et les agitateurs, tantôt laissant percer la menace, rappelant à la chambre des lords qu’elle ne pouvait jouer indéfiniment avec la puissance des choses, que le peuple anglais ne supporterait pas longtemps « une situation où un pouvoir irresponsable serait en conflit obstiné et permanent avec le pouvoir responsable. » M. Gladstone a été suivi par bien d’autres libéraux qui sont allés plus loin que lui, qui n’ont pas hésité à aborder la question de la révision de la chambre des lords. Ce n’est pas seulement M. Bright qui s’est jeté dans la mêlée avec sa fougue de tribun : un des membres du cabinet, M. Chamberlain, dans un meeting de Birmingham, a traité assez lestement les pairs d’Angleterre ; il a paru même railler un peu l’ingénuité de son chef et sa confiance dans la sagesse de la haute chambre. M. Morley, qui a son influence parmi les libéraux, a demandé la limitation des pouvoirs de la pairie ; Un ancien membre du gouvernement, M. Forster, qui a été secrétaire d’état pour l’Irlande et qui s’est rapproché par instans des conservateurs, s’est prononcé vivement cette fois pour la politique de M. Gladstone ; il a menacé les lords du ressentiment des deux millions d’électeurs dont ils voulaient prolonger l’exclusion. L’opposition, de son côté, bien entendu, n’est pas restée inactive et muette dans cette campagne. Aux discours des libéraux elle a répondu par des discours. Les chefs conservateurs, sir Stafford Northcote, lord Randolph Churchill, se sont jetés dans la mêlée, renouvelant incessamment le procès de M. Gladstone, mettant habilement en cause la politique extérieure du ministère. Lord Salisbury est allé à Edimbourg, à Glascow, résumant dans une série de discours qui ne sont pas sans éloquence, les griefs, les intentions de l’opposition qu’il a conduite au combat dans la session dernière ; Au demeurant, les libéraux menacent la chambre des lords d’une révision qui toucherait pour le moins à sa constitution héréditaire ; lord Salisbury a annoncé, de son côté, que les conservateurs ne céderaient pas si l’on ne présentait à la fois le bill qui étend le droit de suffrage et le bill qui fixe les nouvelles circonscriptions électorales. La question en est toujours là et au premier abord elle semble insoluble.

Est-ce à dire que le conflit ainsi engagé doive aller jusqu’au bout ? Personne, selon toute apparence, n’a envie de pousser les choses aux dernières extrémités, parce que les libéraux qui ont quelque prévoyance sont les premiers à sentir le danger d’une lutte où la vieille constitution de l’Angleterre serait bientôt peut-être tout entière en eu. Assurément, bien des récriminations, bien des déclarations de