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Dès 1824, un an après le travail de Faraday, Bussy réussit à condenser le gaz qui se forme par la combustion du soufre et qu’on nomme acide sulfureux. Voici comment on opère : le gaz est introduit dans un ballon qui plonge au milieu du mélange réfrigérant, formé de glace et de sel. Il y entre, se liquéfie et ne sort pas ; il s’accumule à l’intérieur et se conserve indéfiniment si on ferme le ballon dans la lampe d’émailleur ; en se réchauffant, il donne des vapeurs qui le maintiennent sous pression, pourvu que le verre soit assez résistant. Ainsi, par deux procédés : par le froid et par la pression, et mieux encore par les deux moyens superposés, il est possible de liquéfier un grand nombre de gaz.


II

Après ces belles expériences, il y eut un temps de repos pendant lequel on apprit à manier ces nouveaux liquides. On avait espéré qu’ils offriraient des propriétés nouvelles, qu’ils auraient des aspects particuliers, il n’en fut rien. Ils ressemblent à l’eau, à l’alcool, à l’éther ; ils peuvent se congeler, se dilater, bouillir, reprendre l’état de gaz ou de vapeurs, et, à cette différence près que leur point d’ébullition est très bas, se comporter en tout comme le fait l’eau. On me pardonnera de résumer l’étude de ce dernier liquide.

Quand on le chauffe sur un foyer, il se tient immobile jusqu’à 100 degrés ; mais, à ce moment, il se change en vapeurs qui naissent au fond du vase et remuent la masse en s’échappant : il bout. L’ébullition est caractérisée par cette importante circonstance que la température ne monte plus, qu’elle reste invariablement et indéfiniment fixe à 100 degrés. Il faut donc que la chaleur du foyer, au fur et à mesure de sa production, soit absorbée par le liquide et uniquement employée à le transformer en vapeurs. C’est là un fait capital qui a été découvert par un physicien anglais, nommé Black. Dans l’impossibilité où il était d’en donner une explication rationnelle, Black se contenta d’en démontrer la réalité, de le résumer par un mot et de dire que cette chaleur devient latente. Il vit qu’il fallait cinq fois et demie plus de temps pour vaporiser l’eau que pour l’échauffer depuis zéro jusqu’à 100 degrés, que, par conséquent, il faut cinq fois et demie plus de chaleur pour changer l’eau en vapeur que pour l’échauffer de zéro à 100 degrés. Après Black, et dans ces dernières années seulement, on a expliqué ce fait ; il n’entre pas dans mon intention de donner cette explication.

Telle est la loi de l’ébullition dans l’air. Voyons ce qu’elle devient dans le vide. Il est clair que l’atmosphère, quand elle presse sur l’eau, oppose un obstacle à l’expansion de la vapeur, que cet obstacle augmente ou diminue avec cette pression, qu’il n’existe