Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 65.djvu/93

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

certain docteur Paris déclara ne pouvoir être que de l’huile laissée par négligence dans le vase. Mais Faraday, ayant ouvert le tube, vit cette matière bouillir et se résoudre avec explosion en un jet de gaz dont la couleur était verte : c’était du chlore. Faraday, qui était vif et avait été piqué, prit aussitôt sa revanche du docteur Paris, auquel il écrivit : « Vous apprendrez avec plaisir, monsieur, que cette huile laissée par négligence dans mon appareil n’était rien moins que du chlore liquéfié. »

Ce premier succès décida de la carrière du jeune chimiste ; il proclama que tous les gaz auraient le même sort si on les comprimait assez, et, avec l’ardeur qu’il mit toujours dans ses recherches, il n’hésita point à se lancer dans une série d’essais dont le succès était probable et dont le danger était certain. Voici comment il opéra : Il prit un tube de verre épais, lui donna la forme Ω, qui est celle d’un U renversé ; l’une des branches restait vide, on introduisait dans l’autre les matières destinées à produire le gaz qu’on voulait étudier et l’on fermait le tout. Obligé de s’accumuler dans la branche vide, ce gaz y acquérait une pression croissante et l’expérience n’avait que deux terminaisons possibles : ou bien le gaz ne changeait pas d’état, alors la pression croissait jusqu’à la rupture du vase ; ou bien il atteignait sa limite de pression, alors le liquide apparaissait et s’accumulait tant que durait le dégagement gazeux. Une douzaine de gaz furent réduits de cette manière. Il faut citer ceux dont nous aurons bientôt besoin : l’ammoniaque, l’acide sulfureux, l’acide carbonique et le protoxyde d’azote, ce dernier exigeant à 10 degrés environ 60 atmosphères.

Ce chiffre ne laisse aucun doute sur le danger que l’on court à faire de pareilles études. Si l’on songe que, dans les chaudières à vapeur, qui sont en tôle de fer ou d’acier, on s’arrête généralement vers 10 atmosphères, si on récapitule le nombre et les malheurs de leurs explosions, on conçoit à peine comment un simple tube de verre puisse résister à un effort cinq ou six fois supérieur. Ce n’est rien encore quand le gaz peut atteindre une limite de liquéfaction, car alors la pression cesse de croître ; mais s’il ne change point d’état, elle augmente continûment et indéfiniment, la rupture survient nécessairement, et la détente projette les débris de l’enveloppe comme la poudre les fragmens d’un obus. Au cours de ses recherches, Faraday a subi treize explosions de ce genre ; elles ne l’ont point arrêté, mais on comprend aisément qu’elles n’ont point encouragé les autres.

Il existe heureusement un procédé moins offensif pour arriver au même résultat, il consiste à refroidir le gaz. De même que la vapeur d’eau se condense par l’abaissement de sa température, de même les gaz, qui sont de vraies vapeurs, peuvent céder à un froid suffisant.