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met quelques retouches dont il espère le plus heureux effet sur les connaisseurs. A chaque coup de la pointe tranchante, le sang coule et le patient tressaille. Le jeune chef, dans une sorte de prostration, rassemble toutes ses forces pour paraître calme, tandis que les frémissemens de son corps trahissent le tourment et la souffrance. Ce n’était pas en un seul jour qu’un homme pouvait être complètement tatoué ; il fallait procéder par portions, tant la douleur était vive. L’inflammation se produisait à la suite des piqûres ; on rapporte qu’un Maori, ayant eu le courage de se faire tatouer la figure entière d’un seul coup, fut pris d’une fièvre si violente qu’il en mourut.

On se mariait à la Nouvelle-Zélande, mais sans cérémonie. A défaut des fiançailles faites dès l’enfance, s’élevaient souvent des difficultés : toutes les personnes de la famille étaient appelées à donner leur avis, et, parfois, elles étaient loin de tomber d’accord. En général, le jeune homme et la jeune fille s’entendaient mieux ; ils laissaient les parens en dispute et se sauvaient dans les bois. Les querelles de la famille apaisées, ils revenaient ; ils étaient mariés. Fréquemment, une fille provoquait un garçon ; dans la société des Maoris, c’était du meilleur goût. Les fiancés s’engageaient l’un envers l’autre en se pinçant les doigts. En diverses circonstances, un prétendant adressait sa demande au père ; celui-ci, accordant sa fille, invitait simplement le jeune homme à venir habiter en sa maison. Désormais le gendre appartenait à la tribu. Il devait guerroyer avec ses alliés même contre ses parens. Les formes en usage n’étaient pas rigoureuses ; il était admis qu’un homme, après s’être assuré du consentement du père, devait enlever sa bien aimée, dont le rôle était de résister à outrance, fût-ce à contre-cœur. Lui échappait-elle, il fallait recommencer. S’il parvenait à la transporter dans sa demeure, elle était sa femme. Il est rapporté qu’autrefois des prétendans, chevaliers barbares, assemblaient leurs amis et livraient bataille pour enlever une jeune fille. Dans ces luttes violentes, la malheureuse, tiraillée en divers sens, se trouvait quelquefois toute meurtrie. Le ravisseur, qui se voyait repoussé, en arrivait à plonger son poignard dans le cœur de celle qui était l’objet de son amour afin qu’elle n’appartînt pas à un autre. Au temps où les Européens parcouraient le pays, ces mœurs s’étaient modifiées. Les arikis s’arrogeaient le droit de posséder plusieurs femmes ; on en comptait d’ordinaire de deux à six. Cependant les chefs de rang secondaire n’en avaient qu’une seule. Au moment de partir en expédition, le mari murmurait sur sa femme une incantation propre a la rendre fidèle. L’adultère était puni de mort. Les Maoris, presque toujours d’un caractère violent, s’abandonnant sous le moindre prétexte à des explosions de colère, à des vociférations, à des cris assourdissans,