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ceux qui désirent se remarier le placent d’une autre manière. Le costume des femmes du bourg de Batz, de Saille et des autres villages des marais salans, portent d’habitude des coiffes dont elles relèvent tour à tour les longues barbes sur le sommet de leurs têtes, ou qu’elles laissent pendre sur leurs épaules, simple et gracieux encadrement qui donne à leur visage une apparence uniforme de sérénité et de douceur extrêmement frappantes. Nous n’avons pas à décrire en détail le costume de la mariée du bourg de Batz. Il est plus fameux peut-être encore que ceux du même genre dont s’enorgueillit le reste de la Bretagne, avec son poitrail exécuté en rubans bordés d’or et ses baleines qui en font une sorte de cuirasse. Au moment où je visitais cette partie de la Loire-Inférieure, l’industrie saline, depuis de longues années en décadence, avait introduit un usage non pas absolument nouveau, mais beaucoup plus répandu qu’autrefois au sujet de ce splendide costume. Les familles qui mariaient une fille n’étant plus toujours en état de faire les frais d’achat de ce riche costume, on le louait pour la circonstance ; la pauvre fille gardait au moins cette joie au cœur de l’avoir porté une fois dans sa vie.

Je ne m’étendrai pas davantage sur ces coutumes et je ne parlerai pas de ces fêtes, devenues aujourd’hui un peu banales, de la Saint-Jean. La fête de juin, qui avait un caractère si pittoresque il y a encore quarante ou cinquante ans, ne se célèbre même plus guère. On a perdu la plupart des accessoires qui la rendaient intéressante. Le Breton pourtant aime toujours les fêtes avec passion en raison de la monotonie habituelle de sa vie, de son tempérament, qui veut être remué pour sortir d’une sorte d’apathie, et de son ciel gris, qui ne le distrait guère. Il se rejette aussi sur les foires, et la population en demande tant que les conseils généraux sont obligés de les lui refuser. Mais, si j’en ai fini avec ces coutumes générales, il y a encore des particularités à relever, au point de vue des mœurs, dans les îles peuplées par des populations maritimes. C’est un reste de l’ancienne Bretagne qui offre encore certains traits généralement peu connus.


VII. — MOEURS ET COUTUMES DES INSULAIRES.

Voyons, par exemple, à l’extrémité du Finistère, ce qui se passe dans la petite île de Batz, pour arriver ensuite à d’autres îles, plus curieuses encore, situées dans le Morbihan. La petite île de Batz nous permettra de juger spécialement de la condition de la-femme dans certaines populations maritimes, dont il faut se hâter de fixer le portrait tant qu’il continue encore à poser devant nous. Dans l’île de Batz, comme dans d’autres qui se répartissent entre les différent départemens, les hommes, en majorité matelots,