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morceaux ; toutes les pertes sont compensées lors des échanges et il en résulte pour tous les intéressés une plus-value qu’on estime à au moins 20 pour 100, et souvent à 30 pour 100. L’avantage des réunions est si grand, surtout quand la propriété est devenue ainsi d’un seul tenant, qu’on a vu des paysans abandonner la maison qu’ils possédaient dans le village et en reconstruire une autre au milieu de leur domaine reconstitué.

Le parti dont nous venons de signaler les tendances s’agite aussi pour obtenir des droits de douane sur les céréales ; il ne se contente plus du droit d’un mark (1 fr. 25) par 100 kilogrammes et d’un demi-mark pour les autres, qui est actuellement en vigueur ; ses exigences s’élèvent, mais il n’y a aucune probabilité qu’il reçoive satisfaction- sur ce point. L’agriculture elle-même est divisée sur la question ; la petite culture, notamment, se joint aux autres consommateurs pour combattre les droits sur les grains. Une revue agricole soutient même que les prix du blé avait été parfois bien plus bas avant le développement de la concurrence américaine que de nos jours, et qu’on s’était pourtant tiré d’affaire.

Le remède douanier a encore d’autres adversaires. M. de Miaskowski, dans son rapport au conseil supérieur de l’agriculture de Prusse[1], ne croit pas pouvoir aborder la question douanière sans l’examiner aussi au point de vue de l’industrie, car il est clair qu’on ne peut pas imposer à l’entrée ses matières premières et les denrées alimentaires sans lui offrir une compensation. Mais en dehors des rapports entre les intérêts agricoles et les intérêts industriels, une autre difficulté s’oppose, selon lui, à la majoration du droit sur le blé. Ceux qui comparent les cultivateurs américains topographiquement les plus favorisés aux producteurs allemands qui le sont le moins, demandent qu’on comble par le tarif un écart de prix de 8 marks (10 francs) par quintal ; mais on ne pourrait songer, à établir un droit aussi exorbitant que s’il était possible de réunir les états de l’Europe centrale (l’Europe sans la Russie) en une union douanière. Une pareille union rencontrerait, on le comprend, de bien grands obstacles. En attendant, ne vaut-il pas mieux comparer le cultivateur américain le moins bien situé au producteur européen favorisé par le terrain, et espérer que ce dernier pourra l’emporter dans la concurrence ?

Nous partageons l’avis de M. de Miaskowski quand il insiste sur la nécessité d’améliorer la production de manière à réduire le prix de revient des produits, mais nous ne le suivons que de loin quand il en conclut que le cultivateur doit se tourner de préférence vers les

  1. Verhandlungen des Landes-OEkonomie-Kollegium, 1883, p. 621 et suiv.