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seuls à souffrir de cette concurrence, et que les vendeurs de blé ne sont qu’une minorité dans la nation. Nous pouvons leur offrir mieux que cette froide fin de non-recevoir ; nous pouvons leur dire que, dans une certaine mesure, il dépend d’eux d’améliorer leur sort. La concurrence américaine n’est désastreuse que pour les fermes qui restent au-dessous d’un certain rendement ; les terres qui dépassent ce minimum résistent à l’assaut. Or très souvent il dépend du cultivateur d’élever le rendement de son champ : Tant vaut l’homme, tant vaut la terre. L’enquête badoise a démontré que les bonnes terres, les fermes bien situées, ont aisément surmonté toutes les difficultés, cherté du crédit, élévation des salaires, intempérie des saisons, et que les propriétés qui ont le plus souffert sont précisément celles qui ont le sol le moins fertile ou le moins bien cultivé. C’est encore, on le voit, une question d’outillage.

C’est aussi ce sol-là qui a le moins bien supporté l’accroissement de la population. Les diverses enquêtes se sont préoccupées de ce point. Nous trouvons, par exemple, dans l’Enquête des économistes une question 23 : « La population rurale augmente-t-elle ? » Et plus d’une fois la réponse a été négative ; s’il y a un excédent de naissances, il profite à la ville[1]. D’autres fois on a répondu que l’augmentation avait eu lieu, mais qu’elle s’était réalisée aux dépens de l’aisance, et en plus d’un endroit on a démontré qu’il y a dans la localité plus de bras que de travail agricole. Enfin, l’Enquête badoise a très bien résumé les faits : Les contrées peu fertiles n’ont pas pu supporter l’accroissement de la population, l’excédent a émigré, et quand il a voulu se maintenir, il n’a pu le faire qu’en divisant les héritages et en y vivant de privations[2]. Le bien-être, dans de pareilles localités, est dû à l’industrie, ce sont les usines et manufactures, ou encore une fabrication domestique, qui tirent les populations de peine. Les contrées fertiles, au contraire, ont pu constater l’élasticité de leur production, qui a permis d’augmenter le nombre des places au banquet de la vie.


IV

Tout le monde, dit-on, est quelque peu médecin ; la plupart de ceux qui viennent d’étudier les maux de l’agriculture n’ont pas

  1. D’après le dernier recensement français, 821,381 habitans des campagnes auraient émigré dans les villes ; ce chiffre n’est-il pas exagéré ?
  2. Dans un discours prononcé à l’occasion d’un congrès agricole (Journal officiel allemand, du 7 mars dernier), le ministre d’agriculture de Prusse, M. Lucius, met en première ligne des causes du malaise le trop rapide accroissement de la population.