Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 65.djvu/661

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par une administration centrale. Cette association ou corporation peut seule émettre les obligations foncières qui fourniront les fonds nécessaires aux emprunteurs. Le comité cantonal apprécie les demandes d’emprunts et ne les accorde que pour des améliorations réelles, pour réparer des dégâts causés par des sinistres, pour certains arrangements de famille et quelques autres cas. M. Schäffle refuse presque entièrement le crédit pour les deux principales causes des dettes foncières : pour la légitime des cohéritiers et pour la partie restée non payée du prix d’achat de l’immeuble. Il ne dit pas comment le vendeur se tirera d’affaire ; aux cohéritiers il n’est pas éloigné de recommander le partage en nature.

Pour qu’on ne puisse en aucun cas abuser du crédit, il ne sera jamais prêté plus de 50 pour 100, ou même seulement 40 pour 100 de la valeur de l’immeuble. L’évaluation est fondée, non sur la valeur vénale, mais sur le produit net ; les obligations foncières seraient amorties en quinze ou vingt-cinq ans. Si les intérêts ne sont pas payés régulièrement, l’association peut saisir la propriété et la vendre. Ajoutons qu’aucun autre créancier n’en pourrait faire autant il ne pourrait faire saisir que les meubles ou les valeurs mobilières quelconques. M. Schäffle voudrait aussi que les terres ne pussent être achetées que par les cultivateurs qui les exploitent de leurs propres mains, mais il n’a pas clairement indiqué le moyen d’atteindre ce but. Au fond, son système se réduit à la mise en tutelle des paysans pour tout ce qui concerne les emprunts fonciers, non sans enjoindre aux tuteurs d’être sévères. Mais cette combinaison ne saurait être efficace, car elle se borne à opposer une simple fin de non-recevoir aux deux plus importantes causes de dette : l’achat de terres avec des capitaux insuffisans et les compensations à donner aux frères et sœurs de l’héritier principal. L’excellente enquête badoise a établi la part de chaque cause. Dans les trente-sept communes qu’elle a étudiées, 45 pour 100 des dettes foncières proviennent des sommes restées dues sur les immeubles achetés et 28 pour 100 des partages entre cohéritiers ; cela fait 73 pour 100, et nous n’avons plus que 5 pour 100 provenant des constructions et 22 pour 100 de toutes autres causes. C’est donc ces 73 pour 100 qu’on voudrait faire disparaître, mais le pourrait-on ? Ces dettes sont si inévitables qu’elles finissent par s’accumuler d’une manière écrasante. Nous venons de voir que, comparativement à l’ensemble des dettes, elles montent à 73 pour 100, mais quel est leur rapport avec la valeur de l’ensemble des biens ? Ce rapport varie d’une commune et même d’un bien à l’autre ; il y a des localités privilégiés, et, d’un autre côté, tous les paysans ne sont pas endettés ; mais on trouve aussi des villages où la dette