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C’est, en effet, une classe, un « ordre » des paysans qu’on veut constituer.

Le paysan ne sera cependant pas limité aux biens de dimensions arrêtées ; il sera libre d’acquérir autant de « terres en circulation » qu’il pourrait, mais ces terres ne figureront pas au registre des biens indivisibles ou privilégiés ; ce sera pour lui une propriété accessoire qui suivra un régime différent, le droit commun. Le bien indivisible devra être habité et exploité par son propriétaire, il ne pourra pas être affermé, et, rappelons-le, il ne pourra pas être chargé d’hypothèque ; du moins M. de Stein l’admet par moment. Le bien ne pourra pas non plus être agrandi ; il sera permis de posséder deux fermes à la fois, mais on ne pourra pas les fondre ensemble ; une fois pétrifiées dans leur unité, elles ne s’agglomèrent plus.

Le bien indivisible, il est inutile de le dire, ne passe qu’à l’un des enfans ; quel est le sort des autres ? Si les parens possèdent plusieurs biens indivisibles, on peut pourvoir autant d’enfans qu’il y a de biens ; s’il n’y en a qu’un et qu’en outre on dispose, soit de terres en circulation, soit de valeurs mobilières, c’est au moyen de cette fortune accessoire qu’on les dote ; enfin, si l’héritage consiste uniquement dans la ferme indivisible, les autres enfans ne reçoivent rien du tout. C’est pourtant au nom de la morale que M. de Stein aboutit à cette conclusion. Comme M. de Stein est un homme de talent, il sait faire ressortir les beaux côtés de son système ; mais il ne peut pas nous empêcher de voir les difficultés sur lesquelles il glisse avec trop d’aisance. Comment, par exemple, mettre d’accord les dettes actuelles et le crédit futur ? M. de Stein s’élève avec énergie contre la rétroactivité des lois ; il ne commettra donc aucune violence, il ne supprimera aucune dette d’autorité, mais il veut que le bien rural, avant d’être inscrit au registre de l’indivisibilité, ait été libéré de toute charge. Voici ce qu’il propose : on attendra la vente forcée. À ce moment, on distinguera entre les diverses parcelles ; on formera le bien indivisible en déclarant que ce bien se composera à l’avenir de la maison et de telles pièces de terre et de pré qu’on désignera ; les autres parcelles resteront dans la circulation. Une fois cette séparation faite, on mettra la propriété en vente. Celui qui l’achète fait inscrire immédiatement au registre la composition du bien indivisible, et voilà ce bien protégé contre toute dette. C’est un tour de prestidigitation légale. On oublie que le dernier enchérisseur ne sera réellement propriétaire que lorsqu’il aura payé ou donné des sécurités. Néanmoins, si l’acheteur n’est pas en état de tout payer comptant, le vendeur ne pourra plus faire inscrire le restant du prix comme hypothèque sur le bien, Pour ce cas, M. de