Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 65.djvu/653

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

laisser. Il déclara en même temps user pour la dernière fois de ses droits de maître du sol, non sans se flatter d’offrir une organisation qui soit à l’abri de toute critique. N’y trouve-t-on pas des propriétés de différentes grandeurs, et ne les a-t-on pas protégées contre le morcellement ? Mais précisément ce que certains hommes politiques sont disposés à louer : l’impossibilité de modifier l’étendue des fermes, de bons esprits le blâmeront. M. Paasche, par exemple, trouve regrettable que les petits propriétaires, les Büdner, soient dans l’impossibilité de s’agrandir et de pouvoir remplacer la bêche par la charrue. Il se console par la pensée qu’aucune loi humaine n’est éternelle et qu’on pourra modifier la législation rurale du Mecklembourg aussitôt que la nécessité s’en fera sentir. Il serait injuste, en attendant ces perfectionnemens futurs, de lui ménager l’éloge pour les réformes accomplies.

Il faut bien le dire, cependant ; pour ces hommes qui aspirent à diriger le mouvement actuel, il ne s’agit pas de faire monter les petits, mais d’empêcher les grands de descendre. Pour y parvenir, ils fondent des « associations de paysans, » leur donnent un programme et mettent en jeu tous les ressorts politiques pour le réaliser. Résumons, à titre de spécimen, le « programme des paysans, » que les agitateurs bavarois présentent comme l’unique moyen « de relever l’agriculture souffrante et de conserver une classe de paysans indépendans et prospères, seuls soutiens solides de l’empire et des états qui le composent. » Selon ce programme, la prospérité générale dépendrait de la réalisation des réformes suivantes : réduction des dépenses des paysans en introduisant des économies dans le budget de l’état ; changement des lois sur le domicile, le mariage, l’assistance publique (c’est-à-dire qu’on demande le rétablissement des anciennes restrictions) ; diminution des impôts sur les immeubles, augmentation des taxes sur les capitaux ; défalcation des dettes lors de la fixation de l’impôt ; impôt proportionnel sur les affaires de bourse (quel rapport cet impôt a-t-il avec la prospérité des paysans ? ) ; remplacement d’impôts directs par des impôts indirects, suppression ou réduction des droits de timbre et d’enregistrement ; établissement de droits protecteurs en faveur de l’agriculture ; rachat des dettes des paysans par l’état (c’est-à-dire que l’état devrait émettre un emprunt pour payer d’un seul coup l’ensemble des dettes hypothécaires, les débiteurs s’acquitteraient au moyen d’une annuité renfermant l’amortissement) ; modification du droit de succession, création du droit de homestead, lequel protège contre la saisie et la vente judiciaire la maison d’habitation du débiteur, son champ, et ce qu’il faut pour le cultiver (bétails et provisions compris) ; établissement du crédit agricole pour protéger le paysan contre les