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qui importe à mon honneur, où vous avez trop d’intérêt. Et si vous me demandiez de tenir une fille avec moi à qui vous eussiez fait un enfant, au jugement de tout le monde, vous trouveriez que ce me seroit une honte pour l’indignité que vous me feriez et pour la réputation que j’en acquérerois. Vous m’écrivez que, pour fermer la bouche au roi, aux reines, ou à ceux qui m’en parleraient, je leur dise que vous l’aimez et que je l’aime pour cela. Cette réponse seroit bonne partant d’un de vos serviteurs ou servantes, mais de votre maîtresse ! .. J’ai souffert ce que je ne dirai pas princesse, mais jamais simple demoiselle ne souffrit, l’ayant secourue, caché sa faute, et toujours depuis tenue avec moi. Si vous n’appelez pas cela vouloir vous contenter, certes je ne sais pas comment vous le pouvez entendre. »

Marguerite était dans son droit d’épouse outragée, mais Catherine y ajouta une verte mercuriale qui dut blesser profondément le roi et acheva de l’indisposer contre sa femme. « Vous n’êtes pas, disait-elle, le premier mari jeune et peu sage en pareilles choses ; mais je vous trouve bien le premier et le seul qui fasse après un tel fait tenir un pareil langage à sa femme. J’ai eu l’honneur d’avoir épousé le roi, mon seigneur, et votre souverain, mais la chose dont il était le plus marri, c’étoit quand il savoit que je susse de ces nouvelles-là, et quand Mme de Flemming fut grosse, il trouva très bien quand on la renvoya… Ce n’est pas la façon de traiter les femmes de bien et de telle maison et de les injurier à l’appétit d’une p… publique, car tout le monde sait l’enfant qu’elle a fait, et par un petit galant outre-cuidant et imprudent d’avoir accepté de son maître un tel commandement. Je ne puis croire qu’il vienne de vous, car vous êtes trop bien né pour ne pas savoir comment devez vivre avec la fille de votre roi et la sœur de celui qui commande à tout ce royaume et à vous, qui outre cela vous honore et vous aime, comme doit faire une femme de bien, et si je la connoissois autrement, ne la voudrois supporter ni rien mander pour vous faire reconnoître le tort que vous vous êtes fait… J’ai fait partir, ajoutait-elle, cette belle bête, car tant que je vivrai, je ne souffrirai pas de voir chose qui puisse empêcher ou diminuer l’amitié que ceux qui me sont si proches, comme elle m’est, se doivent porter l’un à l’autre. »

À cette nouvelle brouille avec son mari vint s’ajouter pour Marguerite une véritable peine de cœur. En retrouvant Chanvalon, en reprenant possession de l’homme qu’elle adorait, elle se croyait à l’abri de toute infidélité. Il n’en fut rien : soit qu’il craignît le ressentiment de Henri III, soit qu’il vît dans sa liaison avec Marguerite un obstacle à sa propre fortune, Chanvalon chercha à se dégager