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répondait non moins tendrement. Duguast surveillait de très près cette intrigue ; il intercepta une lettre du duc et la fit mettre sous les yeux de Charles IX. Indigné de tant d’audace, le jeune roi eut, dit-on, un instant la pensée de faire assassiner le duc à une chasse, et il en avait chargé le grand prieur. Prévenu par Marguerite, le duc n’y alla pas, mais, le lendemain, il se présenta la tête haute au Louvre. « Que venez-vous faire ici ? » lui dit le roi, la main sur la garde de son épée, les yeux menaçans. S’inclinant et sans répondre, le duc se retira. Persister, c’était folie ; c’était jouer sa vie et tourner le dos à sa haute fortune. L’ambition prima l’amour. Avant de s’engager dans sa liaison avec Marguerite, il avait courtisé la veuve du prince de Portion, Catherine de Clèves ; elle avait même passé pour être sa maîtresse. Il y pensait si peu alors, que tout récemment, en parlant d’elle, il avait dit qu’il aimerait mieux épouser une négresse que de la prendre pour femme, et pourtant il y revint. Hardie, ambitieuse, Catherine de Clèves s’était faite protestante pour épouser le prince de Porcien ; elle se refit catholique pour épouser le duc. Le dénoûment fut mené grand train : le 10 octobre, le duc épousait celle qui devait le trahir pour Saint-Mégrin. À quelques jours de là, le duc d’Anjou se rencontrant avec le nouveau marié : « Gardez-vous bien, lui dit-il, de revoir ma sœur et de penser à elle, car je vous tuerois. » Henri de Guise ne répliqua pas, mais le duc put lire dans ses yeux la haine implacable qu’il lui porta depuis. De ce jour, date entre ces deux hommes le duel de toute leur vie.


III

Préoccupé des dangers que la paix signée à Saint-Germain avec les chefs protestans pouvait faire courir à la France catholique, et s’inquiétant du bruit qui commençait à se répandre du projet de mariage de Marguerite avec Henri de Navarre, Pie V tenta de renouer la négociation entamée avec le Portugal. À cet effet, il fit partir pour Lisbonne don Loys de Torres, porteur d’une lettre de sa main pour le jeune roi. Cette mission ne fut pas plus heureuse que la précédente. Attribuant son insuccès à l’influence des deux théatins, don Loys, lors de son passage à Madrid, au mois de janvier 1570, disait à Fourquevaux : « Ils ont fait prendre les femmes en horreur au jeune roi. Eux seuls empêchent le mariage. Le pape aurait dû les rappeler à Rome. » À bout de patience, Charles IX écrivit à Fourquevaux : « S’il y a un prince qui aye occasion de se plaindre, c’est moi, me voyant si indignement traité, que l’on ne