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À ce portrait, Malicorne, notre envoyé en Portugal, ajoute : « Il porte un livre de saint Thomas suspendu à sa ceinture. »

Sur ces entrefaites, des bruits de rapprochement entre Catherine et les chefs protestans commencèrent à courir, et, au fur et à mesure que ces vagues rumeurs prirent de la consistance, les Portugais se montrèrent de plus en plus difficiles. Ils finirent par exiger que la France renonçât à la navigation des Indes, et, s’appuyant sur l’exemple de Marguerite de France, qui avait épousé si tard le duc de Savoie, ils proposèrent de remettre le mariage de Marguerite à dix ans, « Nous avons occasion de nous fâcher, écrit Catherine à Fourquevaux, d’être de toute façon moqués. Demeurez là jusqu’à ce que vous ayez réponse absolue et non ambiguë, comme celle qu’ils nous ont baillée. Nous voulons un oui ou un non. »

Sans tenir compte des remontrances de Pie V et de l’opposition de Philippe II, Catherine venait de signer à Saint-Germain, le 8 août 1570, avec les protestans, la paix qui mettait fin à la troisième guerre civile. L’abandon du projet de mariage avec le roi de Portugal allait en être la conséquence forcée. Le champ devenu ainsi libre, les Guises, en relations suivies avec l’Espagne, reprirent leurs visées personnelles et affichèrent hautement la prétention de marier leur neveu Henri avec Marguerite. Le cardinal de Lorraine se risqua à dire en pleine cour que, l’aîné de leur maison ayant épousé la fille aînée de Catherine, Henri de Guise pouvait bien prétendre à la cadette, et qu’il était d’ailleurs un assez beau parti puisqu’il lui constituerait deux cent mille livres de rentes. Ce propos fut répété à l’ambassadeur d’Espagne, don Francès de Alava, qui le transmit aussitôt à son maître. De bouche en bouche, il revint à Fourquevaux, qui, de son côté, en avertit Catherine. Outrée de colère, elle voulut le même jour s’en expliquer avec le cardinal de Lorraine. Malade depuis une quinzaine, il ne quittait pas son hôtel. Catherine vint l’y trouver, et allant droit au fait : « Je suis peinée, dit-elle, qu’un tel bruit ait été porté si loin pour le tort que cela peut faire à ma fille pour le regard du mariage de Portugal. Est-il vrai que vous ayez fait valoir le bien et le revenu de votre neveu ? » Le cardinal se défendit si mal que Catherine, restée avec tous ses doutes, invita Fourquevaux à tâcher de savoir la vérité.

Si le cardinal de Lorraine, pris de peur, avait reculé, il n’en fut pas de même d’Henri de Guise ; il y était encouragé secrètement par Marguerite. Grâce à la complaisance de Mlle de La Mirande, une des filles d’honneur de la reine mère, une correspondance suivie s’était établie entre la princesse et lui. Marguerite ajoutait toujours quelques lignes de sa main aux lettres que le duc recevait de Mlle de La Mirande, et, par la même voie, le duc