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semblait momentanément écartée. Ce repos forcé pesait à Henri de Guise. Au mois d’avril, suivi d’une brillante escorte de jeunes gentilshommes, il alla se faire la main en guerroyant contre le Turc, en Hongrie, et ne revint qu’à la fin de décembre. L’année suivante, éclata l’orage qu’aucun indice ne pouvait faire pressentir. Les protestans, qui avaient fait les morts, se levèrent comme un seul homme, et, par la surprise de Meaux, qui faillit mettre en leurs mains Charles IX et Catherine, ils répondirent aux impolitiques et menaçantes conférences de Bayonne. Rentré à Paris avec Charles IX, Henri de Guise prend une part glorieuse à la bataille de Saint-Denis. Les protestans s’étant mis en pleine retraite, il se jette dans Sens et leur barre le passage. Durant la troisième guerre civile, nous le retrouvons sur tous les champs de bataille, à La Roche-l’Abeille, à Jarnac, dont son audacieuse imprudence avait un instant compromis le succès. Après Jarnac, avec son jeune frère le duc du Maine, il s’enferme dans Poitiers, et, du 24 juillet au 7 septembre 1569, se maintient dans une ville ouverte contre tous les efforts de l’armée assiégeante. Cette opiniâtre défense que Lanoue, le grand capitaine, glorifie dans ses Mémoires et qu’il compare à celle de Metz, en affaiblissant l’armée protestante, prépara la victoire de Moncontour. Blessé, dans cette bataille, d’une arquebusade au-dessus du pied, le duc se retira à Bourgueil auprès du cardinal de Guise, son oncle. Quelques mois plus tard, il rejoignait la cour à Angers.

Entre Jarnac et Moncontour il y eut comme un moment de répit. La stratégie remplaça l’action. C’est durant ce court intervalle, et à la veille de livrer sa seconde bataille, que le duc d’Anjou voulut revoir sa mère. Au premier appel de son fils bien-aimé, Catherine accourut. En trois jours, elle fit la longue route de Paris au Plessis-lès-Tours, où le duc l’attendait.

Jusqu’ici, la vie réelle n’avait pas commencé pour Marguerite. Elle le dit dans ses Mémoires : elle n’avait pensé qu’à rire, à danser et à jouer. Ce fut le duc d’Anjou qui l’arracha le premier à son heureuse ignorance. Un matin qu’il se promenait avec elle dans le parc du château du Plessis-lès-Tours, il l’emmena dans une allée écartée, et, quand ils furent à distance de tout témoin indiscret : « Ma sœur, dit-il à voix basse, ce n’est plus le temps de vivre en enfant ; vous voyez les grandes choses où j’ai été appelé ; je ne veux désormais des biens et des grandeurs que pour les partager avec vous. Mon absence, je le crains, peut me nuire, car le roi mon frère est toujours auprès de notre mère et lui complaît en tout. Il m’est nécessaire d’avoir auprès d’elle une personne fidèle pour prendre mon parti. Je n’en connais pas qui le puisse mieux que