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royauté bourgeoise était assise en France, la Smala, — ou la Bataille d’Isly, — et cette réplique du dauphin Charles à la fille de Commines :


Mon oncle d’Orléans ne lui ressemble pas…
Des leçons de tous deux voyez la différence :
Olivier dit toujours que le roi, c’est la France ;
Et lui : « Mon beau neveu, me disait-il ici,
La France, c’est le roi, mais c’est le peuple aussi. »


Ces vers obscurs, encore qu’ils soient plats, un écho de la Parisienne les commentait clairement dans les mémoires :


Soldat du drapeau tricolore,
D’Orléans, toi qui l’as porté…


Ces vers, en 1832, mon grand-père dut les trouver bons. Conscrit de 1813 et bourgeois de 1830, comment ne pas honorer d’un zèle renforcé le chantre de la Parisienne et de la Napoléonne ! Comment ne pas mettre dans sa bibliothèque, pour les liguer à son petit-fils, les Œuvres complètes de M. Delavigne entre elles de Voltaire et de M. Scribe, au-dessus de Walter Scott, auprès de l’Histoire de la révolution de M. Thiers et de son Histoire du consulat et de l’empire ? Ainsi, auprès du briquet ébréché à Leipzig, voici le sabre de l’officier de garde nationale qui porte en damasquinage cette devise : « Ordre public. »

Non, ce n’est pas de cette tendresse particulière pour le poète ni de cette ardeur civique que le second Théâtre-Français était réchauffé l’autre soir. Mais ce jour de sa réouverture était un lundi, et, le lundi, l’Odéon fait fonction de capitale pour une certaine province de Paris, Je dis « province » et non « quartier, » car ce ne sont pas seulement des voisins, — quoique j’en aie vu rentrer chez eux, après le spectacle, en traversant la rue, — mais plutôt les habitans d’une certaine région morale de la grande ville qui se donnent rendez-vous, ce jour-là, dans cette salle. Le lundi, le prix des places est abaissé ; l’affiche annonce un ou plusieurs ouvrages du répertoire. Alors accourt un public de bonnes gens qui ont plus de goût pour les lettres que de lumières en critique, soit personnelles, soit empruntées. Ils regardent le théâtre à la fois comme une école du soir, comme le catéchisme de persévérance des hommes qui ont « fait leurs études, » et comme une récréation d’un genre élevé, comme un plaisir honnête ; ils forment l’arrière-garde des esprits qui s’intéressent à l’art ; ils ne sont ni de ceux-là qui touchent de première main aux vérités nouvelles, ni de ceux-là qui, au jour le jour, se font avertir de ce qu’il faut trouver laid ou beau. Ils se gardent bien du négligé, ils veulent faire de la toilette ; mais ils ne suscitent pas la mode et ne marchent pas avec elle ; ils la suivent à distance, et même