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Campbell pour l’observation du passage de Vénus. M. Henri Filhol, chargé de recherches d’histoire naturelle, s’est livré durant un séjour de plusieurs mois à l’examen très sérieux de la structure géologique de l’île. Ainsi ont été connus des faits du plus réel intérêt.

Au fond de la baie Persévérance et sur la cote nord-ouest, existent des dépôts calcaires et des falaises de même formation, au-dessus de couches de grès reposant sur des schistes. Ces derniers, qu’on aperçoit au niveau de la mer, sont argileux et traversés par des bandes de quartz et de granit. Les quartz abondent ; il y en a de deux sortes : les uns, durs et hyalins, sont évidemment d’origine fort ancienne ; les autres, dus aux phénomènes volcaniques plus ou moins récens, sont opaques et un peu jaunes ; de faible consistance, ils se brisent au moindre choc. Les roches calcaires, constituées par lamelles, se désagrègent sous l’action des vents, de la pluie, de la gelée, et les débris se répandent à grande distance ; le sol en est jonché. Cette destruction par les agens atmosphériques doit amener un jour la séparation de Campbell en deux îlots. D’autre part, la mer entraînant les sables à la base des falaises, il en résulte de profondes excavations. N’ayant plus de support, tôt ou tard ces falaises s’écrouleront. Ainsi, avec lenteur, mais avec continuité, s’accomplissent dans le cours des âges d’énormes changemens dans la configuration et dans l’étendue de certaines terres. En présence de la destruction des roches calcaires de Campbell, on est assuré que l’île s’étendait beaucoup plus que de nos jours à l’ouest et au nord-ouest. M. Filhol admet que Campbell, ayant surgi à une époque très ancienne, s’est abîmée ensuite dans les profondeurs de la mer, qu’alors se sont constitués les amas calcaires, que, élevée de nouveau à la surface de l’Océan, les éruptions volcaniques se sont produites et que, depuis cette période, l’île reste écartée de toute autre partie du monde.

Malgré l’absence de froids très vifs, triste climat que celui de Campbell ! La plupart du temps, de violentes rafales se succèdent, la pluie tombe avec persistance, le ciel demeure sombre durant de longs jours ; ainsi règne une pénétrante humidité. En 1873 et en 1874, un navire français, la Vire, en vue d’études météorologiques propres à éclairer la mission chargée de l’observation du passage de Vénus, fit séjour à la baie de Persévérance. Au mois de septembre (qu’on regarde comme la fin de l’hiver), il neige en abondance ; néanmoins, jusqu’au mois de décembre, nos marins ne souffrent pas d’une température très rigoureuse ; une seule nuit, le thermomètre descend à — 6 degrés ; en général, il ne marque pas moins de 5 degrés au-dessus de zéro. Au mois de décembre, c’est-à-dire au printemps, la pluie est presque continuelle ; une ou deux fois, on vit encore un peu de neige.