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besoins les sollicitent que ceux du dévoûment, et les frais de consommation ont augmenté dans d’énormes proportions, non au profit des malades eux-mêmes. Le directeur de l’Assistance publique a dû faire sur ce sujet les aveux les plus compromettans. En même temps que les dons ont diminué par la guerre faite au sentiment religieux, c’est-à-dire l’expulsion des aumôniers et l’introduction des infirmiers civils, les dépenses se sont accrues et tendent de plus en plus à s’accroître. En même temps, les exigences du public ne diminuent pas, au contraire.

On a dit que toutes les localités, grandes ou petites, voulaient être pourvues de moyens perfectionnés de viabilité, d’arrosage et de lumière, que dans chaque agglomération d’hommes il fallait pourvoir au développement de l’instruction, que rien ne devait être épargné pour y entretenir des maîtres capables de la répandre, que le luxe même des écoles serait un stimulant, mais ne doit-on pas encore plus s’appesantir sur les droits de tous à être secourus et protégés ? La misère, la maladie ne veulent-elles pas aussi être combattues comme l’ignorance ? Le fou, l’infirme, l’aveugle et le vieillard n’attendent-ils pas la même protection que l’enfant infirme ou abandonné ? Déjà les lois ont depuis longtemps proclamé la vérité de cette maxime de la fraternité civile : elle a pénétré tous les esprits, elle soulève les revendications les plus pressantes ; il n’y a plus qu’à agir, et l’heure en est d’autant plus venue que l’épidémie dont plusieurs de nos départemens sont frappés ajoute à leurs dépenses d’assainissement, de multiplication d’eaux, de constructions, etc. des nécessités immédiates de secours matériels et pécuniaires dont les budgets de tous les départemens auront cette année à supporter exclusivement le fardeau.

A côté de la question financière existe donc une question d’opportunité du moment ou de facilité d’exécution. Nous rechercherons par quels moyens et sur quel budget spécial on pourra faire la part de la bienfaisance publique, mais au préalable et par une sorte de logique renversée qui veut qu’avant de décréter toute dépense, on s’assure d’abord des moyens d’y pourvoir en ajournant ce qu’on ne peut pas payer, il nous faut interroger d’autres nécessités que les nécessités financières, et, pour tout dire, savoir à l’avance ce qu’une politique irrésistible commande.

Or, qui nous gouverne ? Le nombre. Qui dirige le nombre ? La passion. La passion cède-t-elle à la réflexion et au calcul ? — Jamais. Quand la passion semble naturelle et qui plus est, légitime, peut-on lui opposer des atermoimens, des retards, en prétextant qu’avant peu satisfaction lui sera donnée ? — Non, évidemment. Enfin peut-on faire céder le nombre devant cette dernière considération qu’on