Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 65.djvu/410

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

raser la tête, » Les Taïpings, en effet, portaient toute leur chevelure et toute leur barbe, et ceux qui rentraient sous la loi de la dynastie tartare devaient se faire raser, conformément à la règle imposée à tous les Chinois. Chung-Wang fut décapité le 7 août 1863. Quelques jours plus tard, le fils de Tien-Wang, abandonné de ses compagnons et, errant seul dans les montagnes, fut pris à son tour et mis à mort. Tseng-Kouofan reçut de la cour de Pékin le titre de hou ou de marquis, dont son fils a hérité, et son frère Tseng-Tsihuen fut créé comte.

La prise de Nankin, où Tien-Wang avait régné dix années, porta un coup décisif à l’insurrection, qui n’eut plus désormais ni direction, ni chef universellement reconnu, ni place d’armes. Le dernier survivant des chefs qui avait organisé la révolte, E-Wang, se défendit quelque temps dans les provinces de l’Ouest et essaya de gagner le Kouan-Si et le Kouy-Tchéou, où les rebelles étaient encore maîtres du terrain ; mais le vice-roi du Sze-Chuen lui barra le chemin avec une armée. Il voulut se jeter dans les montagnes, mais il fut assailli par les tribus des Lobos ; ne pouvant franchir le Yang-tse faute de bateaux et se voyant toute retraite coupée, il dut se rendre à discrétion. Il fut écrasé entre deux planches. La guerre civile dura cinq ans encore, non-seulement au nord du Yang-tse, mais au nord du fleuve Jaune, et jusque dans le Shantung, où les rebelles infligèrent plus d’un échec aux troupes impériales. Ce fut en essayant de le réduire que Sankolinsin fut battu et blessé mortellement. Le nom de Taïpings, que les Européens étaient seuls à employer, disparaît après la prise de Nankin. Les rebelles ne sont plus désignés que sous le nom de Nienfei, c’est-à-dire les indigènes ou les nationaux, et cette appellation indique assez clairement que l’objet ou le prétexte de la révolte était la résurrection de la nationalité chinoise.


V

La tâche du gouvernement tartare ne se bornait pas à rétablir son autorité dans les provinces du Centre et du Sud : il avait d’autres ennemis à combattre aux deux extrémités de l’empire. Une prédiction fort accréditée parmi les musulmans de l’Yunnan limitait à deux cents ans la durée de la domination tartare. Celle-ci devait donc prendre fin entre 1844 et 1850. A l’avènement de Hien-Fung, en 1851, une pétition fut adressée par les musulmans à l’empereur pour se plaindre des exactions des mandarins et demander l’envoi d’un vice-roi « honnête et juste. » Il ne fut donné aucune suite à cette pétition : au contraire, la révolte du Kouan-Si porta les autorités chinoises à redoubler de défiance et de rigueur. Les nombreuses