chinois. Il se jeta dans la place avec ce qu’il put ramasser d’hommes et il en organisa la défense. Après, quatre-vingts jours d’attaque et trois assauts, les Taïpings abandonnèrent le siège et reprirent leur marche vers le nord, sans s’inquiéter des fortes positions qu’ils laissaient entre les mains des impériaux. Ce fut une des causes de l’échec définitif de la rébellion, parce que ces places fortes devinrent autant de points d’appui pour les opérations des généraux de Hien-Fung. Une autre cause de faiblesse résulta des rivalités et de la division qui éclataient dans leurs rangs. Deux de leurs chefs principaux, Nun-Wang et Shih-Wang, avaient déjà succombé en combattant : leur succession éveilla beaucoup d’ambitions, et mécontens de la position qui leur était faite, plusieurs des chefs les plus influens de la Triade abandonnèrent la cause des insurgés. De ce nombre fut Chang-Kwolian, dont la désertion fut récompensée par un commandement militaire important et qui devint l’auxiliaire le plus actif de Tseng-Kouofan. Impuissante à opposer une résistance efficace à l’insurrection, la cour de Pékin en était réduite à provoquer et à récompenser les désertions.
Les Taïpings, suivant le cours de la rivière Yuan, atteignirent le grand lac Tungting. L’île de Chun-Shan, située au milieu de ce lac, a la réputation de produire le meilleur thé de la Chine : aussi la récolte en était-elle réservée pour l’empereur et les hauts personnages de la cour. Les Taïpings détruisirent toutes les plantations ; elles ne se rétablissent que lentement, et le prix du thé de Chun-Shan est devenu exorbitant. La ville d’Yao-Tchou, située sur une langue de terre entre le lac et le Yang-tse, avait alors une extrême importance ; des milliers de barques y amenaient les grains des divers districts du Hounan, la région de la Chine la plus fertile en céréales : leur cargaison y était transbordée à bord des jonques qui descendaient le Yang-tse pour approvisionner Nankin et les autres villes situées sur le cours du fleuve, ou pour remonter vers Pékin par le Grand Canal. C’est là aussi que s’acquittaient les droits dus au gouvernement pour le transport des grains. Les Taïpings trouvèrent dans cette ville d’immenses approvisionnemens et tarirent une des principales sources qui alimentaient le trésor impérial. Yao-Tchou contenait, en outre, le grand arsenal de guerre et les poudreries fondées au XVIIe siècle par Won-Sankoueï. Les Taïpings furent dès lors abondamment fournis d’armes et de munitions. Ils organisèrent une flottille de jonques dont le concours les aida puissamment à réduire toutes les villes situées sur le cours du fleuve. Leurs succès furent d’autant plus rapides que des recrues nouvelles accouraient de toutes parts se ranger sous la bannière de Tien-Wang, Hankow, Wousang et Hanyarig ; les trois villes jumelles situées au confluent du Han et du Yang-tse et qui comptent ensemble