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tient à rester un Grandisson politique ; jusqu’au bout, non-seulement en public, et pour autrui, mais pour lui-même et dans son for intime, il garde son masque. Aussi bien, son masque s’est collé à sa peau, il ne les distingue plus l’un de l’autre ; jamais imposteur n’a plus soigneusement appliqué le sophisme sur ses intentions et sur ses actes, pour se persuader que son masque est son visage, et qu’il dit vrai quand il ment.

A l’en croire, il n’est pour rien dans les journées de septembre[1]. « Avant l’époque où ces événemens sont arrivés, il avait cessé de fréquenter le conseil général de la commune… Il n’y allait plus. » 11 n’y a été chargé d’aucune commission, il n’y avait pas d’influence ; il n’y a point provoqué l’arreslatioa et le meurtre des Girondins[2].

  1. Buchez et Roux, XX, 193. (Discours de Robespierre à la Convention, 5 novembre 1792.)
  2. Toutes ces assertions de Robespierre sont des contre-vérités. — (Procès-verbaux des séances de la Commune de Paris). Le 1er septembre 1792, Robespierre parle deux fois dans la séance du soir. De plus, deux témoignages concordans indiquent qu’il a parlé dans la séance du matin, où les noms des orateurs ne sont pas ludiques : « Il s’agissait, dit Pétion (Buchez et Roux, XXXI, 103), du décret qui ouvrait les barrières. » Ce décret est mis en discussion à la Commune dans la séance du matin du 1er septembre. « À ce sujet, Robespierre se livra à des déclamations extrêmement animées, aux écarts d’une imagination sombre ; il aperçut des précipices sous ses pas, des complots liberticides, il signala les prétendus conspirateurs. » — Louvet (Ibid., 130) assigne la même date, sauf qu’il prend la séance du soir pour la séance du matin, à la première dénonciation de Robespierre contre les Girondins : « Personne, dit Robespierre, n’ose donc nommer les traîtres ? Eh bien ! moi, pour le salut du peuple, je les dénonce. Je dénonce le liberticide Brissot, la faction de la Gironde, la scélérate commission des Vingt et un de l’Assemblée nationale. Je les dénonce pour avoir vendu la France à Brunswick et pour avoir reçu d’avance le prix de leur lâcheté. » — Le 2 septembre (procès-verbaux de la Commune, séance du soir), « MM. Billaud-Varennes et Robespierre, développant leurs sentimens civiques,.. dénoncent au conseil général la conspiration en faveur du duc de Brunswick, qu’un parti puissant veut porter au trône des Français. » — Le 3 septembre, à six heures du matin (Buchez et Roux, 16, 132, lettre de Louvet), des commissaires de la commune se présentent chez Brissot avec ordre de visiter ses papiers ; l’un d’eux dit à Brissot qu’il a huit mandats pareils contre des députés de la Gironde et qu’il commencera par Guadet. (Lettre de Brissot pour se plaindre de cette visite. Moniteur, 7 septembre 1792.) Ce même jour, 3 septembre, Robespierre siège à la Commune (Granier de Cassagnac, les Girondins, II, 63) ; c’est là que vient le chercher une députation de la section Mauconseil, et il est chargé par le conseil d’une commission au Temple. — Le 4 septembre (Buchez et Roux, XXI, 106, discours de Pétion) la Commune lance un mandat d’arrêt contre Roland ; Danton vient à la mairie avec Robespierre et fait révoquer ce mandat ; Robespierre finit par dire à Pétion : « Je crois que Brissot est à Brunswick. » — Ibid., 106 : « Robespierre (avant le 2 septembre) prit de l’ascendant dans le conseil. » —Buchez et Roux, 107 : « Robespierre, lui dis-je, vous faites bien du mal ; vos dénonciations, vos alarmes, vos haines, vos soupçons agitent le peuple. »