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sont justifiées, et, comme la disette est permanente, l’émeute quotidienne est légitime. — D’autre part, ayant posé en principe la souveraineté du peuple, il en déduit « le droit sacré qu’ont les commettans de révoquer leurs délégués, » de les prendre au collet s’ils prévariquent, de les maintenir dans le devoir par la crainte, de leur tordre le cou s’ils ont jamais la tentation de voter mal ou de mal administrer. Or, cette tentation, ils l’ont toujours. « Il est une vérité éternelle dont il est important de convaincre les hommes, c’est que le plus mortel ennemi que le peuple ait à redouter, c’est le gouvernement. » — « Tout ministre qui est deux fois vingt-quatre heures en place, lorsque le cabinet n’est pas dans l’impossibilité de machiner contre la patrie, est suspect[1]. » — Levez-vous donc, misérables des villes et de la campagne, ouvriers sans ouvrage, traîneurs de rues qui couchez sous les ponts, rôdeurs de grands chemins, mendians sans feu ni lieu, va-nu-pieds en loques, porteurs de besaces, porteurs de bâtons, et venez prendre à la gorge vos infidèles mandataires. — Au 14 juillet, aux 5 et 6 octobre, « le peuple avait le droit, non-seulement d’exécuter quelques-uns des conspirateurs, mais celui de les immoler tous, de passer au fil de l’épée le corps entier des satellites royaux conjurés pour nous perdre et la tourbe innombrable des traîtres à la patrie, quel que fût leur état et leur degré[2]. » N’allez jamais à l’assemblée « sans avoir vos poches pleines de cailloux destinés à lapider les scélérats qui ont l’impudence de prêcher les maximes monarchiques ; je ne vous recommande d’autre précaution que celle de crier gare aux voisins[3]. » — « Ce n’est pas la retraite des ministres, c’est leurs têtes qu’il nous faut, c’est celle de tous les ministériels de l’assemblée, c’est celle de votre maire, de votre général, de presque tout l’état-major, de la plupart des municipaux ; c’est celle des principaux agens du pouvoir exécutif dans le royaume. » — A quoi bon des demi-mesures, comme le sac de l’hôtel de Castries[4] ? « Que vos vengeances soient raisonnées. La mort ! la mort ! voilà quelle doit être la punition des traîtres acharnés à vous perdre ; c’est la seule qui les glace d’effroi… Imitez donc l’exemple de vos implacables ennemis, n’allez jamais sans armes, et, afin qu’ils ne vous échappent pas par la longueur des arrêts de la justice, poignardez-les sur-le-champ ou brûlez-leur la cervelle. » — « J’entends vingt-cinq millions d’hommes s’écrier à l’unisson : Si les noirs et les ministériels

  1. L’Ami du Peuple, n° 24 et 274. — Cf. Placard de Marat, 18 septembre 1792. « Il faut que la Convention nationale soit sans cesse sous les yeux du peuple, pour qu’il puisse la lapider si elle oublie ses devoirs. »
  2. Ibid., n" 108-111 (20-23 mai 1790).
  3. Ibid., n° 258 (22 oct. 1790).
  4. Ib., n° 286 (20 nov. 1790).