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de juillet est fondée, ou elle paraît du moins fondée ; elle semble avoir eu raison de tous ses adversaires, de toutes ces difficultés qu’elle a rencontrées à sa naissance. Ces cinq premières années, qui vont de 1830 à 1835, que M. Thureau-Dangin raconte avec habileté, avec une singulière abondance de détails, peut-être avec un peu de profusion, ces années sont la période de l’action et du combat. C’est le moment où tout fermente, où du sein de cette confusion du lendemain d’une révolution s’élève ce politique indomptable qui donne au régime l’autorité et la vie, où autour de Casimir Perier, tombant sur la brèche, grandissent des hommes comme le duc de Broglie, M. Guizot, M. Thiers, prêts à continuer l’œuvre inachevée.

Tout est agitation en ce temps-là, dans les esprits comme dans la rue. C’est la fondation laborieuse et dramatique du régime au milieu des insurrections à main armée et des explosions d’idées chimériques. Et comment procède-t-il pour se fonder, ce régime né d’une révolution, menacé de toutes parts, ayant par instant à faire face tout à la fois aux conflits extérieurs et à la guerre civile à Paris, à Lyon ou en Vendée ? Est-ce qu’il a recours à la dictature, aux mesures d’exception, aux suspensions des garanties civiles, aux exécutions discrétionnaires, ou aux subterfuges pour capter quelque vote parlementaire équivoque ? Nullement. Le hardi champion de la politique nouvelle, Casimir Perier, est le premier à répudier l’arbitraire qu’on lui offre. Il marche droit avec sa loyauté et son courage sur les difficultés. Il se défend, il fonde le régime par la résolution, par l’ascendant du caractère et du talent, par la netteté des idées et par la loi ; il puise son autorité et sa force dans la légalité incessamment opposée aux factions, respectant toutes les garanties et tous les intérêts. Ce qu’a fait Casimir Perier, ses continuateurs au pouvoir, le duc de Broglie, M. Thiers, M. Guizot, le font à leur tour, combattant l’émeute d’une main, et d’un autre côté relevant la France dans l’estime de l’Europe sans troubler la paix, inaugurant de vastes travaux publics sans péril pour les finances, obtenant du parlement cette belle loi sur l’instruction primaire qui n’a été depuis qu’altérée et faussée. C’est ainsi que se fonde un gouvernement sérieux, et M. Thureau-Dangin, en ravivant une fois de plus pour les générations nouvelles les souvenirs de ce moment du siècle, a fait une œuvre aussi intéressante qu’instructive.

Ce fut, a-t-on dit souvent, le malheur de la monarchie de juillet d’être née d’une révolution de la rue, d’une dangereuse violation de l’hérédité royale, et elle est morte de ce vice de naissance qui, après lui avoir créé une incurable faiblesse, a préparé inévitablement sa ruine. C’était peut-être pour elle, si l’on veut, une faiblesse de se confondre dans son origine avec une révolution ; c’était aussi sa force d’être apparue comme l’expression vivante d’une résistance légitime dans