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Dans le même ordre d’idées on peut citer le frontispice, une très belle copie, par Stürler, d’un portrait de Dante par Giotto. C’est le type juvénile, imberbe, presque féminin, qui a été consacré par la tradition, bien que, selon Boccace, Dante eût le teint brun, la barbe et les cheveux épais, noirs et crépus, la figure mélancolique et pensive.

Empreinte au plus haut degré de grandeur, de poésie, d’originalité, l’œuvre posthume de Stürler est peut-être le plus sûr et le plus fidèle commentaire de la Divine Comédie. Elle maintient constamment, pour ainsi dire, le lecteur, au ton, au diapason du poète. Elle lui donne la sensation du monde du XIIIe siècle, avec une intensité singulière. Les compositions de Stürler sous les yeux, on n’a plus besoin de s’arrêter à chaque instant à ces notes sans nombre que l’érudition des commentateurs a entassées au bas de toutes les pages et qui rompent la continuité de l’impression. On se sent entraîné à poursuivre sa lecture d’un bout à l’autre de la trilogie, et les beautés que j’appellerai relatives du Paradis, du Purgatoire et de l’Enfer, la gradation artistique si savamment ménagée d’une étape à l’autre, nous apparaissent tout entières dans l’œuvre du peintre comme dans celle du poète.

A ce titre, les cent dix compositions de Stürler ont leur place, — et une place éminente, — marquée dans la bibliothèque de tous les fidèles de l’église dantesque.


GEORGE GUEROULT.