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part de responsabilité qui revient à la société dans les crimes et les délits relevés contre la plupart des jeunes prévenus ; l’économie politique, d’accord avec la morale, son alliée naturelle, a calculé la déperdition de forces dont l’état se rend coupable quand il ne soutient pas ce qui ne peut se défendre, quand il ne dispute pas le nouveau-né à la mort ni l’adolescent à la flétrissure, quand, enfin, il prive le pays de producteurs utiles et de bons citoyens. Chaque année se perd ainsi une moisson d’êtres humains fauchée par la mort ou desséchée en sa fleur. La réaction est venue de l’excès du mal. Des âmes généreuses se sont vouées à la protection de l’enfance. Une loi récente et des règlemens nouveaux ont inauguré la réforme, et l’administration parisienne, dont l’exemple mérite d’être imité dans tous les départemens, tient à honneur d’organiser aussi largement que possible le service des enfans assistés.

Le même sentiment de libéralité budgétaire se rencontre dans les mesures prises par le conseil municipal de Paris en matière d’instruction publique. En 1869, les dépenses de l’enseignement primaire atteignaient à peine 5 millions de francs ; elles ont dépassé, en 1883, la somme de 23 millions, et, si l’on y ajoute les dépenses d« l’enseignement secondaire et supérieur, le total du budget de l’instruction publique s’élevait à 26,500,000 francs. L’extension des écoles supérieures et de l’enseignement professionnel, ainsi que la création des lycées de filles, doit accroître ce chiffre, qui ne tardera pas sans doute à atteindre 30 millions. Indépendamment de la dépense annuelle, il conviendrait de tenir compte des intérêts du capital affecté à la construction des écoles nouvelles. Tout cela forme un total qu’il est permis de juger excessif. Et les bataillons scolaires, que nous allions oublier ! Il y a, dans ce développement donné aux écoles de tout ordre et de toute nature, autre chose que le simple désir de faciliter l’instruction populaire. La politique y tient la plus grande place. Le conseil municipal veut que tous les enfans de Paris reçoivent une instruction républicaine ; il veut surtout que cette instruction soit dégagée de tout principe religieux. À ces fins, il organise dans ses écoles, qui comptent 100,000 élèves, l’enseignement laïque et il lutte à coups de millions contre la concurrence des anciennes écoles congréganistes, devenues écoles libres. Le budget fait les frais de la guerre. En même temps, les citoyens qui ne s’associent pas à cette politique, les pères de famille qui n’entendent pas que la religion soit exclue systématiquement de l’école, se cotisent et se résignent à des sacrifices pour la fondation et l’entretien de nombreux établissemens qui reçoivent environ 70,000 élèves. Plusieurs millions sont ainsi dépensés en sus des millions inscrits au budget municipal. Il en résulte que beaucoup