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croyons-nous, l’explication du chiffre de 400,000 assistés qui est relevé dans les comptes administratifs. C’est une proportion énorme, puisqu’elle représente le septième de la population. Il est vrai que Paris, en sa qualité de capitale, attire et contient des élémens particuliers qui augmentent singulièrement la clientèle ordinaire de l’assistance publique. Paris est une ville ouverte aux vagabonds de toute la France, aux déclassés de tous les pays. Combien de ces malheureux vont s’échouer à l’hôpital ou aux dépôts de mendicité ! Comme cité industrielle, Paris renferme de nombreuses familles d’ouvriers, que les crises ou un chômage prolongé exposent trop souvent à la privation du salaire et qui sont obligées de recourir à l’assistance. Il y aura donc toujours, dans la grande capitale, une proportion exceptionnelle de misères humaines, dont le soulagement exigera l’augmentation continue du budget officiel et des dons de la charité.

Au premier rang des œuvres d’assistance se placent le soin des vieillards et la protection des enfans. Dans une société civilisée, il n’est pas admissible qu’un vieillard souffre de la faim et du froid. Les établissemens hospitaliers administrés par la ville de Paris contiennent environ 9,000 places pour la vieillesse. On observe, en outre, que, dans le chiffre de la population indigente secourue par les bureaux de bienfaisance, les chefs de ménage ayant dépassé l’âge de soixante ans représentent la proportion des deux cinquièmes ; mais on sait que les secours alloués par les bureaux d’arrondissement sont minimes. Le mieux serait évidemment d’améliorer, par l’éducation et par les mœurs, les sentimens de famille, de propager les institutions de prévoyance ; en attendant, le fait est là, inéluctable, brutal ; le vieillard, désarmé pour le travail, souffre et meurt misérable. Les services de l’assistance pour ce qui concerne la vieillesse ne paraissent pas être suffisamment dotés. — Quant à la protection de l’enfance, elle a été, dans ces dernières années, l’objet de la plus louable sollicitude, et ce n’est que justice de constater le bien qui a été fait. La dépense excède 5 millions. Il n’y a pas d’argent mieux placé. Quelles que soient les causes, la mortalité des enfans du premier âge dans les grandes villes atteint des proportions vraiment effrayantes ; les enfans abandonnés, effectivement ou moralement, pullulent. On ne se doute pas, quand on n’a pas vu ces choses de près, combien d’enfans meurent en France, faute de soins, ni combien, après avoir franchi par miracle le défilé du premier âge, sont voués par l’abandon au vagabondage et à la misère. La statistique, fouillant dans les états de décès, a démontré que notre civilisation si vantée commet inconsciemment l’infanticide ; les archives judiciaires ont dénoncé la