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soixante-deux, offriraient un appoint qui ne serait pas à dédaigner, et le port de Marseille, mettant au service de l’état sa flotte marchande, fournirait à lui seul un contingent de 94,000 tonneaux. Avec de tels moyens, et forts de l’expérience que nous avons acquise en Crimée, au Mexique, au Tonkin, dans le golfe de Gabès, pourquoi ne serions-nous pas de taille à renouveler « les expéditions de Xerxès, de Pyrrhus, des Carthaginois, des Romains[1] ? » Ainsi raisonnent des inquiétudes que rien ne justifie. L’avenir évidemment appartient aux flottilles ; j’en tomberai volontiers d’accord avec l’éminent auteur de la Rivista marittima ; mais il appartient aussi, grâce à Dieu, à la paix européenne. D’un bout du monde à l’autre, les problèmes militaires sont depuis quelques années, à l’étude ; chacun conspire tout haut l’anéantissement de son voisin. C’est une raison de plus pour dormir tranquille : on parlerait moins si l’on avait l’intention d’agir : « Le chien qui aboie ne mord pas, » disent les Espagnols. Poursuivons donc, sans nous préoccuper de fugitives alarmes qui ne se sont probablement jamais prises elles-mêmes au sérieux, le cours très pacifique de nos meurtrières recherches. Chacun a la passion de son art : je voudrais perfectionner l’art de la guerre maritime. On ne me reprochera pas, du moins, de travailler dans l’ombre et de faire mystère de mes découvertes.


IV

Les navires de guerre byzantins variaient beaucoup dans leurs dimensions. « Les uns, dit l’auteur anonyme de la bibliothèque Ambroisienne, sont très grands, très fortement armés, mis en mouvement par un nombreux équipage ; leur marche, par compensation, est très lente et en raison inverse de leur force ; d’autres sont petits et légers ; une chiourme peu considérable leur suffit ; quelques-uns tiennent le milieu entre les grands vaisseaux et les petits. Il faut se servir des grands vaisseaux dans les combats qui se livrent sur mer, quelquefois aussi sur les lacs, rarement dans les actions qui ont les fleuves pour théâtre ; la pesanteur de ces gros navires ne leur permet pas de se retourner aisément, surtout quand le rivage est occupé par l’ennemi.

« De cette variété de dimensions dans les élémens dont se compose la flotte résulte la nécessité de distribuer les vaisseaux suivant un ordre déterminé à l’avance, car il importe de ne pas

  1. L’Ordinamento strategico della nostra marina, per Paolo Cottrau, capitano di vascello. (Nuova Antologia, 15 gennaio 1884.)