surface nettement tranchée, comme celle qui limite l’eau dans l’air. Andrews recommence ensuite la même expérience à une température plus élevée, à 21 degrés. Les mêmes résultats se reproduisent, la même liquéfaction s’accomplit ; il n’y a qu’une différence à noter, c’est qu’elle est moins brusque ; elle est comme annoncée à l’avance par une diminution de volume plus rapide avant qu’elle commence, et qui persiste après qu’elle est accomplie. Il semble que l’état liquide se prépare avant de se réaliser et se complète ensuite. A la température de 32 degrés, cette préparation avant, cette continuation après, sont beaucoup plus accentuées, et au lieu d’un liquide séparé et distinct, on ne voit sur les parois que des stries ondoyantes et mobiles, seuls indices d’un changement d’état qui ne parvient pas à se parfaire. Enfin, au-dessus de 32 degrés, il n’y a plus ni stries ni liquéfaction, mais il semble que le souvenir s’en conserve encore, car, pour une pression déterminée, la densité augmente plus vite et le volume diminue plus rapidement : 32 degrés sont donc une limite, un passage entre les températures qui permettent ou empêchent la liquéfaction ; c’est le point critique, qui marque la séparation entre deux états très différens de la matière ; au-dessous, elle peut prendre l’aspect de liquide ; au-dessus, elle ne peut plus changer d’aspect, mais elle entre dans une nouvelle constitution dont nous allons caractériser les conditions.
En général, un liquide a beaucoup plus de densité que sa vapeur ; c’est pour cette raison qu’elle va au-dessus, qu’il tombe au fond et que tous deux sont séparés par une surface de niveau. Mais chauffons le vase qui les contient ; on sait que le liquide éprouve une dilatation qui s’exagère peu à peu jusqu’à égaler et même dépasser celle du gaz, d’où il suit qu’un volume égal pèse de moins en moins. D’autre part, une quantité de vapeur de plus en plus grande se forme, s’accumule au sommet et devient de plus en plus lourde. Or, si la densité de la vapeur augmente, si celle du liquide diminue, elles arrivent à être égales quand la température est suffisante. Alors il n’y a plus de raison pour que le liquide tombe, pour que la vapeur monte, pour qu’il y ait une surface de séparation ; ils restent mêlés et confondus. Ils ne se distinguent pas davantage par leur chaleur de constitution ; il est vrai qu’en se vaporisant un liquide absorbe une grande quantité de chaleur latente, mais elle est employée tout entière à écarter les molécules et à les maintenir à distance ; elle est nulle si cette distante n’augmente pas. On voit donc qu’au point critique on ne sait si la matière est liquide ou bien gazeuse, puisque sous l’un ou l’autre état, elle a la même densité, la même chaleur de constitution, le même aspect, les mêmes propriétés : c’est un état nouveau, l’état gazo-liquide.
L’expérience avait devancé cette explication. Cagniard-Latour,