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d’aboutir, il faut mettre une opération (d’une importance capitale qui s’imposa au gouvernement italien.

Les arrangemens concertés avec le gouvernement autrichien et les lois de 1867 et de 1868 n’avaient réglé que très imparfaitement la situation des chemins de fer de l’Italie septentrionale. Les lignes qu’on avait fait entrer dans le réseau de la Société de la Haute-Italie, après le démembrement de la Société impériale privilégiée, avaient les origines les plus diverses : quelques-unes avaient été la propriété de l’état ; celui-ci avait été copropriétaire de quelques autres ; pour d’autres, il n’avait été qu’exploitant, à des conditions plus ou moins onéreuses, et il avait transmis ses obligations à la compagnie qu’il se substituait ; un grand nombre de lignes, enfin, avaient été construites par la société en vertu d’actes de concessions qui stipulaient tantôt une subvention une fois payée et tantôt une subvention kilométrique pendant l’exploitation. Il en résultait une complication infinie dans les écritures, parce qu’il fallait établir une comptabilité spéciale presque pour chaque ligne : l’état et la compagnie exploitante étaient rarement d’accord sur l’interprétation des contrats, surtout quand il s’agissait d’arrêter les paiemens à effectuer.

D’un autre côté, le gouvernement autrichien, qui désirait donner une vive impulsion à la construction de son réseau méridional, voyait avec un profond déplaisir une compagnie qui lui devait la naissance, et à laquelle il avait fait de grands avantages, dépenser en partie son activité et ses capitaux dans des provinces devenues étrangères à la monarchie. Il réclamait donc avec une insistance extrême l’exécution des conventions qui prescrivaient une séparation définitive et complète des deux branches de l’ancienne Société impériale privilégiée. Le gouvernement italien n’avait rien à objecter à ces réclamations ; lui-même devait souhaiter également de voir une société avec laquelle il avait des rapports constans sortir d’une situation ambiguë. Les deux branches de la société étaient séparées au point de vue de la surveillance administrative et au point de vue de la comptabilité des recettes et des dépenses, mais ni l’une ni l’autre n’avait une existence propre, une constitution indépendante : le capital étant demeuré indivis, il n’y avait qu’un seul être social. Cependant cet être social unique pouvait à tout instant avoir des contrats nouveaux à passer avec les deux gouvernemens : au service de qui mettrait-il préférablement ses capitaux et son crédit, et qu’adviendrait-il si, en cas d’inexécution des engagemens pris, un des deux gouvernemens croyait devoir recourir à des mesures coercitives ? Le cabinet italien ne pouvait donc que s’associer aux, demandes de l’Autriche et, au commencement de 1873, les deux gouvernemens, d’un commun accord, mirent la