Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 64.djvu/96

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

onéreuses et voyaient parfois leurs appels au crédit échouer misérablement. Le gouvernement leur venait en aide de son mieux, mais les valeurs qu’il leur remettait à titre d’avances, rentes ou bons du trésor, se négociaient avec une perte qui allait jusqu’à 45 pour 100. Les subventions étaient payées en un papier-monnaie qui subissait un agio de 40 pour 100 : encore n’étaient-elles pas payées exactement. En 1868 et 1869, le gouvernement se trouva hors d’état de payer à la Société des chemins de fer méridionaux la subvention promise : heureusement cette société, qui avait à sa tête des hommes énergiques et habiles, réussit à se procurer par un emprunt temporaire contracté entre 7 et 8 pour 100 l’équivalent de la somme que le gouvernement ne pouvait lui verser et fit crédit à l’état. Une telle situation ne pouvait se prolonger, et le gouvernement italien, une fois délivré de toute préoccupation extérieure, se convainquit de la nécessité de quelque grande mesure qui lui permît de couper court aux difficultés sans cesse renaissantes qu’il avait avec les diverses compagnies, de mettre fin à l’existence par trop précaire de ces sociétés besogneuses, et d’assurer l’achèvement du réseau national.

Les lignes déjà en exploitation donnaient des recettes fort inégales ; si on les réunissait toutes dans les mêmes mains, les plus productives aideraient à couvrir le faible rendement des moins bonnes, et les résultats désastreux du réseau calabro-sicilien pèseraient moins lourdement sur le trésor public. Une fusion aurait pour première conséquence une économie sur les frais généraux : elle permettrait ensuite des arrangemens de service et des combinaisons de tarifs qui aideraient au développement du trafic. Il était impossible de songer à fusionner des sociétés dont la situation n’était pas la même, dont les obligations envers l’état étaient différentes et qui avaient chacune leurs créanciers distincts. Il fallait donc que l’état commençât par exproprier les sociétés de chemins de fer et qu’il réunît ensuite leurs réseaux en un seul. C’est dans cette pensée qu’il s’adressa tout d’abord à la Société des chemins de fer romains, avec laquelle il était en procès et qui était en état de cessation de paiement, puisqu’elle avait suspendu le service de celles de ses obligations qui n’étaient pas garanties par l’état et pour lesquelles le trésor ne faisait pas les fonds. On a vu que, par la convention du 17 novembre 1873, la compagnie s’engagea à faire abandon à l’état de tout son actif contre la délivrance de rentes italiennes qu’elle répartirait entre ses actionnaires, l’état prenant la charge de tout le passif.

La Société des chemins de fer méridionaux était loin d’être dans une situation aussi désespérée que la Société générale des