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commode. On peut seulement se demander comment l’Angleterre a pu se faire cette illusion qu’elle n’avait qu’à réunir les représentans des plus grandes puissances pour leur demander d’approuver un système financier, un emprunt de 8 millions de livres sterling en leur refusant le droit d’examiner de plus près la situation économique de l’Egypte. Ce qu’on peut se demander avec plus de raison encore et non sans quelque surprise, c’est ce qu’a pu signifier cette espèce de comédie d’un arrangement préliminaire conclu avec un certain apparat entre l’Angleterre et la France. Quoi donc ! Il y a quelques semaines tout au plus, les deux gouvernemens ont paru s’être mis d’accord sur les points les plus délicats des affaires d’Egypte. Un instant on a pu croire que c’était une manière de tout simplifier, de préparer et de faciliter le travail de la conférence qui allait se réunir. Pas du tout, il paraît qu’on n’avait rien fait. A peine l’œuvre officielle de la diplomatie a-t-elle commencé, la mésintelligence a éclaté plus que jamais, de sorte qu’on n’avait paru s’entendre un jour que pour se quereller plus vivement le lendemain. On avait tout réglé, excepté le seul point qui allait être soumis à la conférence et d’où tout le reste dépendait. Étrange façon de traiter les affaires ! Que signifient ces négociations pleines de sous-entendus entre deux grandes nations ? Si l’on savait qu’il y avait un point sur lequel on ne pouvait pas s’entendre, il fallait accepter la situation telle qu’elle était et ne pas se faire un jeu de ces accords simulés ; si l’on sentait la nécessité d’agir d’intelligence, et c’était là certes une politique plausible pour les deux pays, il fallait aller résolument jusqu’au bout et compléter la transaction. Ce qu’il y a de plus probable, c’est que le ministère de Londres voyant le peu de succès qu’avait en Angleterre son traité avec le cabinet français, a saisi la première occasion qui s’est offerte à la conférence pour reprendre sa liberté, pour se dégager des arrangemens d’ailleurs assez peu sérieux qu’il avait conclus. Il a réussi si l’on peut appeler cela un succès.

Cette liberté, que tous les adversaires des transactions et des consultations diplomatiques le pressaient de reconquérir, il l’a maintenant, puisque la conférence de Londres n’a rien fait ; il n’est lié par aucune délibération diplomatique. Tout n’est cependant pas peut-être facile pour lui, et il reste à savoir comment il va se tirer de ces affaires égyptiennes dont il a seul pris la responsabilité. Le premier acte du gouvernement de la reine Victoria paraît être d’envoyer au Caire un des membres du cabinet, le chef de l’amirauté, lord Northbrook, pour faire une enquête nouvelle. Les missions extraordinaires, les enquêtes, les projets, ne sont pas ce qui manque. Le gouvernement anglais a déjà envoyé lord Dufferin, il envoie maintenant lord Northbrook. Il a déjà demandé au parlement des crédits qui ne sont nécessaires que si l’on veut engager plus vivement l’action, et voici qu’on se remet depuis quelques jours à parler d’expéditions dans le Soudan, de la délivrance