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par cette température, dans une salle du palais de Versailles, pour signer un billet à La Châtre, et de célébrer ainsi l’anniversaire du 4 août ! Qui empêcherait, après tout, un futur congrès, qui aurait les mêmes pouvoirs que celui d’aujourd’hui et qui tiendrait à la régularité, de commencer par extraire de la constitution le billet qui vient d’être signé et de procéder ensuite à tout ce qu’il voudrait, fût-ce au rétablissement de la monarchie ? Un homme à la fine et ferme éloquence, M. Bocher, dans un discours bref et serré qui ressemblait à une déclaration ou à un manifeste, s’est chargé de mettre au jour d’invariables vérités. Il a rappelé, comme le disait un jour M. Thiers avec sa séduisante sagesse, que les gouvernemens qui se croient tous éternels sont à peine durables, qu’on prenait de vaines précautions, que le jour où le pays en aurait assez d’un régime ruineux pour sa fortune morale et matérielle, il ne serait pas arrêté par un article Constitutionnel. Ce qu’il y a de plus curieux, c’est que M. le président du conseil lui-même n’en doute pas, et que, s’il s’est cru obligé de répondre à M. Bocher. il a parlé en homme qui ne paraît guère être dupe de ses propres discours ; mais alors à quoi bon ces fictions accompagnées de menacés contre les princes ? M. le président du conseil à cru sans doute utile de donner ce gage aux frères ennemis, à ces radicaux dont il se plaint si vivement, avec lesquels il prétend toujours rompre, et c’est ainsi que la politique de connivence et de complicité survit encore même au milieu des plus bruyantes querelles. Heureusement, cette comédie de la révision est finie, et on peut revenir aux choses sérieuses, surtout à cette question du Tonkin et de la Chine, qui semble plus obscure que jamais, qui nous laisse peut-être plus près d’une guerre nouvelle que de la paix.

Les affaires d’Égypte non plus ne paraissent pas décidément près de se dénouer, et la diplomatie n’est point heureuse dans ses tentatives pour rétablir un certain ordre, l’ordre financier aussi bien que l’ordre administratif, sur les bords du Nil. La conférence qui vient de délibérer, pendant quelques jours à Londres aura le sort de la conférence réunie, il y a deux ans, à Constantinople. On s’est réuni sans savoir ce qu’on allait faire, on s’est séparé sans avoir rien fait, et sauf le respect dû à la gravité diplomatique, on pourrait dire que la conférence de Londres a ressemblé un peu dans ses discussions au congrès de Versailles. Elle a passé quelques jours à tourner autour d’un problème qu’elle n’a pu jamais saisir ; elle a eu, elle aussi, ses partisans de la solution limitée et ses partisans d’une solution plus large, sinon illimitée. L’Angleterre s’est attachée strictement à son programme financier, qui en définitive se réduisait à un médiocre expédient, à la demande d’une réduction de l’ancienne dette égyptienne, pour pouvoir faire un nouvel emprunt nécessité par les circonstances. La France, de son côté, a eu son programme fondé sur la défense des intérêts des anciens