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encore d’exiger un sacrifice considérable. Quant aux chemins calabrais, tant qu’on n’aura pas donné suite au projet de faire de Tarente un grand port militaire et d’y créer un arsenal maritime et des chantiers de construction, ils demeureront dépourvus de tout élément de trafic sérieux.

On n’augurait pas favorablement, en 1865, du trafic des chemins de fer méridionaux. Les conventions financières arrêtées avec M. Bastogi prouvent que l’on regardait une recette brute de 15,000 francs par kilomètre comme à peu près impossible à atteindre. La subvention kilométrique était fixée, au maximum, à 20,000 francs : elle était acquise à la compagnie, ainsi que la recette brute, tant que celle-ci ne dépassait pas 7,000 francs. Quand la recette brute s’élevait au-dessus de 7,000 francs, mais demeurait inférieure à 15,000 francs, l’excédent sur 7,000 francs était partagé par moitié entre la compagnie et l’état et venait, par conséquent, pour moitié en déduction de la subvention, qui était diminuée d’autant. Quand la recette brute atteignait 15,000 francs, la compagnie ne recevait donc plus de l’état que 16,000 francs par kilomètre, ce qui lui donnait un produit kilométrique de 31,000 francs. Ce produit demeurait constant, car au-dessus de 15,000 francs de recettes brutes, tout l’excédent était compté en déduction.de la subvention.

Or toutes les prévisions des contractans de 1865 furent démenties par les faits. La portion de la ligne de l’Adriatique, qui, d’Ancône à Bologne et Ravenne, traverse les Marches et la Romagne, vit affluer les voyageurs ; la partie méridionale, grâce à un abaissement notable des tarifs, eut à transporter des qualités considérables de matières premières ; enfin, la malle des Indes prit Brindisi pour port d’attache. Aussi, depuis 1873, à l’exception d’une seule année, la recette brute a toujours été supérieure à 15,000 francs : elle a été, en 1880, de 17,240 francs. Or, voici quelle est la conséquence inattendue des conventions : c’est que ce développement du trafic est onéreux pour la compagnie, dont le bénéfice net diminue à mesure que ses recettes augmentent. Avec un produit brut de 15,000 francs, elle recevrait de l’état une subvention de 16,000 francs qui constituerait une recette liquide, exempte de tous frais et de toute charge : les réductions que l’état opère sur la subvention, à mesure que le trafic s’accroît, ont pour conséquence de substituer à une somme liquide une recette brute, grevée des frais d’exploitation. Or, si l’on évalue ces frais d’exploitation à 60 pour 100, et ils dépassent cette proportion, une augmentation de 1,000 francs sur la recette brute ne donne à la compagnie qu’une recette nette de 400 francs et lui coûte 1,000 francs que l’état retient sur la subvention : il s’ensuit donc