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confondu par Heer avec les houx, mais bien reconnaissable et dont il existe de très belles feuilles dans le miocène inférieur d’Auvergne. Ce sont là, en tenant compte aussi de la variété des chênes, dont plusieurs ont l’aspect exotique de ceux du Mexique, des indices trop multipliés d’une température égale et clémente pour ne pas justifier le chiffre adopté plus haut comme donnant la formule d’un climat semblable à celui d’Avignon, de Marseille ou de Bologne.

Parmi les espèces du Groenland tertiaire, plusieurs passèrent de ce pays en Europe, ou bien à la fois en Amérique et en Europe, en Europe et en Asie ; mais ces espèces bien souvent se sont éteintes dans l’un des pays où elles avaient pénétré, de sorte qu’elles ne s’y trouvent plus qu’à l’état fossile. C’est ce qui est arrivé pour le platane, le tulipier, le sassafras d’Amérique, que l’Europe a longtemps possédés et qui se montrent au Groenland. C’est aussi le cas de ce même ginkgo japonais, du planère d’Asie, du noyer à fruit ailé (pterocarpa) du Caucase, etc., que notre continent a perdus, mais qui ont persisté ailleurs. Ces arbres sont venus originairement de l’extrême Nord : l’Europe en particulier a reçu du continent groënlandais le châtaignier, le hêtre, le noyer, qui n’ont revêtu qu’à la longue leurs caractères définitifs. Nous arrêtons cette énumération en la bornant aux traits les plus saillans et les moins discutables. Si l’on s’enquiert du chemin que ces espèces auraient suivi dans leur émigration vers le sud, il semble que l’Ecosse, d’un côté, avec sa traînée d’îlots, par les Shetlands et les Orcades, la Scandinavie, de l’autre, par la saillie que termine le cap Nord, ont dû en se soudant au Groenland, agrandi, servir de pont à ces exodes répétés de végétaux venus du Nord.

L’Islande tertiaire, située en dehors, mais au contact du cercle polaire, marque une dernière étape vers le sud de la flore arctique que nous analysons. Les sapins, les bouleaux, les érables, le platane, le tulipier, associés au planère, au noisetier, à l’un des chênes du Groenland (Quercus Olafseni), à un ormeau à larges feuilles (Ulmus diptera) montrent bien qu’alors, du nord au sud du continent arctique dont l’Islande faisait partie, la même végétation s’étendait uniformément, grâce à l’uniformité relative des conditions extérieures ; elle formait dans son ensemble une large zone qui représentait la zone tempérée actuelle, refoulée de 30 degrés plus au nord, et en reproduisait la physionomie. Beaucoup plus loin, mais toujours sous le même parallèle, à l’embouchure du Mackensie et dans l’Alaska, Heer a encore signalé les mêmes plantes, sauf des diversités locales insignifiantes. D’un bout à l’autre de la zone arctique tertiaire, les mêmes formes se répétant invariablement démontrent l’existence autour du pôle tertiaire d’une large