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illusion sur le succès ; mais, pour déconcerter les conventionnels, il demande aux Autrichiens de lancer un manifeste dont il remet la minute à Mack. Ce sera la contre-partie du manifeste de Brunswick : les Autrichiens s’y présentent uniquement en défenseurs de la monarchie constitutionnelle ; ils ne veulent que le bien de la France. C’est Cobourg qui doit signer cette proclamation. Dumouriez y attache tant de prix qu’il ne croit pas la payer trop cher par la « cession momentanée » de quelques places frontières. Mais il ne les livrera qu’à titre de gage. « Jamais, dit-il, il ne consentira au démembrement de sa patrie. » Le manifeste de Cobourg ne doit laisser aucun doute sur ce point. Il contiendra ces mots significatifs : « Je déclare, sur ma parole d’honneur, que je ne viendrai nullement sur le territoire français pour y faire des conquêtes,.. que si les opérations militaires exigent que l’une ou l’autre place soit remise à mes troupes, je ne la regarderai jamais que comme un dépôt sacré. » Mack partit avec cette pièce, à trois heures du matin, pour rejoindre Cobourg, qui l’attendait à Mons. Cobourg n’était ni un politique à grandes vues, ni un guerrier très entreprenant ; mais il était prudent et avisé. Il se trouvait hors d’état de poursuivre les Français. De plus, il jugeait la guerre périlleuse et mal engagée. Le plan de Dumouriez lui plaisait ; il y voyait surtout ce grand avantage de gagner du temps et d’attendre les renforts ; il se donnerait ainsi les moyens d’écraser Dumouriez si la négociation n’aboutissait pas. C’était l’avis du général prussien, Tauenzien, qui représentait Frédéric-Guillaume à l’armée de Cobourg : il pensait que le roi son maître verrait dans un accord avec Dumouriez un moyen de sauver la reine et qu’il l’approuverait. Cependant le projet de proclamation heurtait en plus d’un point les sentimens du prince de Cobourg. Donner sa parole lui semblait chose grave, et il se faisait scrupule de renoncer si péremptoirement aux conquêtes. Mack le pressait de signer le manifeste. Selon lui, on jouait à coup sûr : « Si Dumouriez réussit, comme toutes les apparences le font croire, disait-il, il n’en peut résulter qu’un très grand bien pour la cause des souverains ; s’il ne réussit pas ; nous aurons toujours l’avantage des nouveaux désordres, de la division d’opinions, de partis que son entreprise produira dès son entrée en France. » On aurait, de plus, les places, qu’il livrerait et que l’on ne pouvait prendre faute d’artillerie de siège. Sans doute, on promettrait de les garder « comme un dépôt sacré, » on donnerait sa parole d’honneur de ne point faire de conquête ; mais il était avec ces promesses des accommodemens. En réalité, on ne s’engageait à rien. Cobourg n’avait que sa parole, il la donnait ; mais, poursuivait Mack, « quoi de plus facile que de désavouer, modifier, éluder une mesure du moment, prise en son nom par un