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par cet accueil, il reprend confiance. Il soupe, le soir, à Saint-Amand, chez Mme de Genlis, avec ses lieutenans les plus dévoués. Ils se croient sûrs du succès : ils passent la nuit à former des projets, à écrire des lettres, à entraîner les incertains, à exciter les timides. Le lendemain, 3 avril, Dumouriez se rend au camp de Maulde. Le général Laveneur, qui veut rester fidèle, se dérobe sous prétexte de maladie, et dépêche à la Convention un officier de confiance, Lazare Hoche. Dumouriez se mêle aux soldats. Ceux de ligne saluent encore une fois de leurs vivats le vainqueur de Jemmapes. Les volontaires sont méfîans et murmurent. Le bataillon de Saône-et-Loire envoie, le soir, des délégués au général en chef, avec une adresse : « La république ou la mort. » Dumouriez fait arrêter ces délégués et les livre à Clerfayt.

Tandis que ces événemens se passaient à l’armée, les commissaires de la Convention, auxquels s’étaient joints Carnot et Lesage, délibéraient à Lille. Ils décrètent Dumouriez d’arrestation, lancent une proclamation aux troupes, expédient de nombreux émissaires dans les camps. Dampierre, qui s’est prononcé pour la Convention, est investi du commandement en chef. « Soldats, dit-il aux troupes, vous venez d’entendre les ordres de la Convention ; c’est de cette assemblée que sortent tous les pouvoirs légitimes ; c’est à elle que tout citoyen doit obéir. » Ce langage, le nom redouté de la Convention, ces grandes paroles de loi et de patrie dont toutes les âmes étaient pénétrées jettent le doute parmi les soldats. Les volontaires se prononcent avec violence. « Les camps, écrivent les commissaires, commencent à se débander partiellement. ». C’est en vain que Dumouriez essaie de ressaisir ses troupes. Les commissaires vont le battre avec ses propres armes. Il spéculait sur la misère du soldat pour l’animer contre le gouvernement ; ils écrivent à l’assemblée : « Sur toute chose, songez à nous envoyer des fonds bien escortés et des effets de campement ; mais des fonds, des fonds ! » C’est chose étrange de compter les grands noms de guerre qui se mêlent à cette sinistre aventure et apparaissent ici comme pour consoler la France de cette catastrophe. C’est Hoche qui court à la Convention, c’est Macdonald qui, à Lille, fait échouer les desseins de Dumouriez, c’est Davout enfin qui va l’affronter en personne. Sorti le 4 avril au matin pour rejoindre Mack, Dumouriez, qui n’était accompagné que de huit hussards, rencontre trois bataillons de volontaires. Davout, qui commande un de ces bataillons, ordonne de tirer sur lui ; Dumouriez n’échappe que grâce à la vitesse de son cheval et à l’ordre de retraite donné, malgré Davout, aux volontaires.

L’entrevue avec Mack, retardée par cette échauffourée, eut lieu dans la nuit du 4 au 5 avril, à Bury. Dumouriez se faisait encore