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sa délibération, qui lui demande vingt-quatre heures, quarante-huit heures au plus pour aller voir ce qui se passe au Palais-Bourbon, qui lui promet de revenir avant trois jours avec une adhésion ou une consultation de la chambre des députés. C’était déjà bien étrange, on en conviendra, de demander à une assemblée d’interrompre une grave délibération pour aller consulter une autre assemblée ; c’était tout simplement s’exposer à compliquer un gâchis, déjà très suffisant, d’un inextricable et irréparable conflit. Ce n’est pas tout encore, cependant. Trois jours se passent, M. le président du conseil a eu probablement le temps d’aller en consultation, il y est même allé à coup sûr ; il a passé dans les coulisses, il a vu le médiocre accueil fait à l’amendement dans lequel il avait vu un moment un moyen de salut : cela lui suffit. Les trois jours écoulés, M. le président du conseil revient tranquillement au Luxembourg comme si rien ne s’était passé, et quand on lui demande des explications, les communications qu’il a promises sur l’opinion de l’autre chambre, il répond lestement qu’il n’a rien à dire, qu’il n’a aucun compte à rendre de ses visites au Palais-Bourbon, que le sénat n’a qu’à voter comme il voudra, que le gouvernement en délibérera, etc. Et c’est ainsi que M. Jules Ferry entend relever le régime parlementaire, et représenter un gouvernement sérieux ? Le secret de la comédie, c’est qu’on veut à tout prix un congrès et que la chambre des députés, plutôt que d’accepter un amendement qui lui enlèverait le vote annuel des principaux services publics, a paru disposée à faire au sénat la concession du maintien complet de l’article 8. Et le sénat, devant d’aussi bonnes dispositions, a effectivement voté la révision, — moins l’article 8.

Fort bien ! si la chambre le veut maintenant à son tour, si elle adhère à la résolution du sénat, et c’est ce qu’elle fait sans doute à l’heure qu’il est, le congrès peut se réunir. Et, après cela, après tant de débats confus, d’incidens et de péripéties, que reste-t-il ? On se trouve, il faut l’avouer, en présence d’une révision singulièrement diminuée, une ombre de révision. Que disait M. le président du conseil il y a quelques jours, dans cette séance extraordinaire où il demandait au sénat de suspendre sa délibération ? Il prétendait que si on excluait l’article 8, la révision serait « décapitée, » qu’on allait offrir le plus étrange spectacle d’impuissance en se réunissant uniquement pour décider que sept articles de la loi électorale du sénat cesseront d’avoir le caractère constitutionnel, — « et puis plus rien ! » C’est justement ce qui arrive. Tout se borne à mettre hors de la constitution les articles qui ont réglé jusqu’ici l’élection du sénat, et la grande réforme qui va s’accomplir, que M. le président du conseil tient en réserve dans une loi déjà préparée, se réduit à supprimer les sénateurs inamovibles pour l’avenir, à ajouter quelque vingt-sept mille délégués communaux au corps des électeurs sénatoriaux. C’est