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tout propriétaire n’ayant pas donné à son vignoble les soins nécessaires ; 2° à primer également les propriétés sur lesquelles on chercherait à conserver les plantations de vignes françaises, soit au moyen des insecticides, soit au moyen de la submersion, soit enfin par d’autres procédés que le hasard ou la science peuvent faire découvrir. Ces subventions ne devraient pas être accordées pendant plus de trois ans aux mêmes terrains, parce qu’au bout de ce laps de temps on sait si la vigne peut être garantie contre le phylloxéra, ou si elle doit succomber. On pourrait ainsi élargir de beaucoup le cercle des expériences et, dans tous les cas, on ne verrait plus primer à perpétuité des vignobles chargés de plantureuses récoltes ; 3° à primer les vignobles reconstitués par la greffe du pied français phylloxéré au moyen de cépages américains et par le provignement de ces derniers ; 4° à mettre entre les mains du ministre de l’agriculture des sommes importantes destinées à l’achat de boutures américaines, bien enracinées et greffées depuis un an avec des sarmens français. Ces boutures, exclusivement fournies par l’industrie privée, seraient distribuées gratuitement aux propriétaires ayant déjà profité des avances affectées sur la première partie de l’emprunt par le représentant de l’administration centrale ; ce dernier serait aussi chargé de choisir les porte-greffes s’adaptant le mieux aux terrains. Procéder autrement, ce serait retomber fatalement dans les erreurs du passé, mettre des viticulteurs inexpérimentés en présence des coûteuses difficultés de l’enracinement et de la soudure des greffons ; ce serait aussi recommencer les écoles de l’adaptation qui se traduisent toujours par une perte de temps et d’argent.

En résumé, les propriétaires des vignobles déjà détruits recevraient à titre de prêt les sommes nécessaires à la préparation des terres, et, à titre gratuit, les vignes indispensables à leurs premières plantations ainsi que les moyens de faire face aux frais de culture, Quant aux autres propriétaires, ils auraient, après trois années d’expérience, à renoncer à toute subvention ou à se ranger dans la première catégorie.

Nous n’avons pas eu la prétention, dans ce rapide exposé, d’entrer dans tous les détails que comporte une aussi vaste organisation, mais nous croyons en avoir indiqué les lignes essentielles et montré au prix de quels sacrifices il est encore possible de reconstituer le vignoble national. Cette tâche difficile ne sera pas, espérons-le, au-dessus de l’énergie de nos chambres ; la solution par l’emprunt s’impose à leur patriotisme par la logique des choses : qui veut la fin veut les moyens. — Que penser, en effet, du propriétaire d’une vieille masure, située dans un beau quartier, qui préférerait n’en tirer aucun revenu et s’ensevelir sous ses ruines plutôt que de