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et que 642,978 hectares sont fortement atteints. Il nous reste donc à cette heure à peine un peu plus de 1 million d’hectares de vignes. Pour comble de malheur, ce sont les départemens producteurs de grandes quantités de vins à bon marché qui ont été le plus cruellement éprouvés : l’Hérault, pour n’en citer qu’un seul, après avoir fourni le sixièmes de toute la production française, a vu disparaître la presque totalité de ses vignes. Aussi, malgré l’amélioration des procédés de culture, l’emploi des insecticides, la submersion, la plantation de cépages américains, etc., la production, qui diminue chaque année depuis 1870, est-elle descendue de 62 millions d’hectolitres à une moyenne de 30 millions. C’est à partir de cette année funeste que nous voyons la France devenir tributaire de ses voisins épargnés par le fléau et leur demander après chaque récolte le complément de vins nécessaires à son alimentation.

Le chiffre total des importations depuis quatorze ans n’est pas de moins de 35,597,378 hectolitres, dont 29,029,646 hectolitres pour l’Espagne et 6,567,732 hectolitres pour l’Italie. Nous avons voulu nous rendre compte des sommes dépensées pour solder à nos voisins cette énorme quantité de vins, dont l’hectolitre, d’après les chiffres officiels, vaut en moyenne 41 fr. 75 ; et nous sommes arrivés au chiffre énorme de 1 milliard 486,191,531 francs dont 4 milliard 211,987,720 fr. pour l’Espagne et 274,203,811 fr. pour l’Italie. Les quatre dernières années à elles seules nous ont coûté 1 milliard 183,350,894 francs. A côté de cette prodigieuse consommation, il ne faut pas négliger de signaler les importations de raisins secs destinés à la fabrication du vin. Nous en achetons en moyenne depuis ces trois dernières années plus de 60 millions de kilogrammes. Voilà donc encore 25 millions de francs qui viennent s’ajouter au déficit que nous indiquions plus haut. À ce compte, L’Espagne, l’Italie, la Grèce n’ont plus qu’à profiter de la position qui leur a été faite par des traitée de commerce devant lesquels ne pouvons que nous incliner.

Ce drainage annuel de plus de 300 millions est bien fait à lui seul pour légitimer les plus sérieuses appréhensions. Aussi croyons-nous accomplir un devoir en demandant instamment à nos chambres de venir, dans un bref délai, au secours de la viticulture. En dehors de cette perte annuelle de plus de 300 millions il y a bien des raisons d’ailleurs à faire valoir pour démontrer l’urgence d’une prochaine intervention. Laisserait-on accomplir le désastre ? Attendra-t-on pour agir que les viticulteurs aient vu disparaître leurs dernières ressources et que les consommateurs aient employé toutes leurs économies à l’achat des vins étrangers ? Laissera-t-on le phylloxéra dévaster le million d’hectares de vignes qui nous reste avant de songer d’une manière sérieuse à reconstituer les quatorze