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inclus dans les organes maternels ; c'est, au degré près, la manière de vivre de l'arbre, de la plante. — L'animal éveillé continue de posséder cette modalité vitale. Mais d'autres phénomènes viennent s'y joindre. Le monde extérieur agit sur lui et son action est perçue par l'exercice de la sensibilité ; il réagit sur le monde extérieur par le mouvement volontaire ; et, entre ces termes extrêmes de la perception et de la volonté, se déroule le tableau tout entier des actes psychiques. Sensibilité, intelligence, volonté et mouvement qu'elle commande, voilà tout un ordre de phénomènes, une seconde vie, qui fait totalement ou partiellement défaut chez la plante et qui chez l'animal se surajoute à l'automatisme végétatif : c'est là la vie animale, ensemble des fonctions de relation. À cette double modalité président deux appareils directeurs différens : deux systèmes nerveux. Le système nerveux de la vie animale est formé de la moelle et du cerveau avec les nerfs qui en émanent : c'est l'appareil cérébro-spinal. Le système nerveux de la vie de nutrition est le grand sympathique, avec sa double chaîne ganglionnaire et ses filets nerveux anastomosés en réseaux.

Cette conception éminemment simple, formulée d'ailleurs d'une manière trop absolue, devint promptement classique. Elle a été inscrite pendant longtemps au seuil de la physiologie comme une sorte d'axiome. Mais, entre 1850 et 1860, la conception de Bichat, la distinction des deux vies, et particulièrement celle des deux systèmes nerveux qui en était la pièce maîtresse, disparut de la physiologie et se trouva reléguée, avec tous les autres systèmes et avec les doctrines éteintes, dans les archives de la science passée. Cet événement était dû précisément aux notions que venait de révéler l'étude des nerfs vaso-moteurs.

Claude Bernard avait fait connaître en 1851 ses mémorables expériences. Elles avaient été inspirées par le désir de soumettre à l'épreuve l'idée de Bichat, à savoir que le sympathique préside à la nutrition, et, comme la nutrition des parties, échappe encore à toute mesure directe, Claude Bernard, employant un détour, prétendit l'apprécier par la production de chaleur qui l'accompagne. Les phénomènes de calorification sont, en effet, intimement liés aux actes nutritifs, et ceux-ci, dans l'hypothèse de Bichat, étant sous la dépendance du grand sympathique, la section ou la paralysie de ce nerf devait entraîner à la fois des modifications dans la nutrition et dans la température des organes qu'il anime. Claude Bernard choisit donc comme champ d'exploration une branche de ce nerf qui se rend à la tête, facilement abordable parce qu'elle est superficiellement située dans son trajet au niveau du cou, et que l'on appelle le cordon cervical du grand sympathique. Il