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haut degré cette faculté généralisatrice. Par un puissant effort de synthèse, il fit sortir des matériaux accumulés par ses prédécesseurs la doctrine de la circulation, qu’ils contenaient en effet. L’anatomiste anglais a d’ailleurs fourni d’autres exemples de cette heureuse alliance du talent d’observation et de l’esprit de système qui s’unissaient chez lui dans une si exacte mesure. Il a laissé un Traité de la génération, où, parmi beaucoup de faits nouveaux, se trouve formulée la célèbre proposition qui n’a été bien comprise que de notre temps : Omne vivum ex ovo : Tout être vivant sort d’un œuf. Cet aphorisme sert de légende à la gravure placée au frontispice de l’ouvrage, et qui représente Jupiter tenant dans ses mains les deux moitiés d’un œuf d’où sortent les différens types de l’animalité : une araignée, une sauterelle, un papillon, un poisson, un serpent, un crocodile, un oiseau, un daim et un enfant. Un autre ouvrage relatif à la Reproduction des insectes, n’a pas été conservé ; le manuscrit en fut brûlé, dit-on, lors du pillage de sa maison par la populace de Londres, ameutée contre l’homme qui était à la fois le médecin et l’ami du roi Charles Ier ; mais on ne saurait douter qu’il ne fût digne de ses aînés.

L’histoire de la découverte de la circulation du sang contient peut-être un enseignement qui mériterait d’être médité. Les règles qui conduisent les savans de notre temps et qui les portent à accorder plus d’importance à la plus petite découverte de fait qu’à aucun essai de synthèse s’en trouveraient un peu ébranlées. On peut concevoir qu’en dehors de ces travaux d’analyse, qui se multiplient comme une poussière, il y ait quelques tentatives d’un autre ordre encore dignes d’occuper une place honorable dans la science. Et il est permis de douter enfin que le plus petit fait vaille toujours une bonne idée, lorsque celle-ci sait se soumettre au contrôle de l’observation et de l’expérience.


III. — LES CIRCULATIONS LOCALES ; LES NEUFS VASO-MOTEURS.

Après cent ans de discussions, de controverses et de disputes, la doctrine de la circulation du sang fut définitivement acceptée. La lutte des circulateurs et des anticirculateurs, qui avait troublé si longtemps le monde des médecins, s’était apaisée, et la Faculté de Paris elle-même, dernier boulevard de la résistance, avait rendu les armes. En dépit de Riolan et de Gui-Patin, en dépit de Primerose et de Parisinus, et, plus bas enfin, en dépit de tous les Diafoirus de l’école, la vérité triomphait en même temps que la méthode