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Saint-Gothard en sept ans et un mois et l’Arlberg en trois ans et cinq mois. Les entrepreneurs de l’Arlberg ont été en avance de un an et deux mois sur les délais du cahier des charges et doivent, dit-on, recevoir, à titre de prime, 2,000 francs par jour d’avance, soit, en tout, 840,000 francs. S’ils avaient dépassé la limite de temps fixée, ils auraient dû, en retour, payer une amende de 2,000 francs par jour de retard. Le chiffre total des ouvriers a été de 2,270 pendant la durée des travaux, dont 1,730 pour les travaux souterrains, soit 82 pour 100 du chiffre total.

Au Mont-Cenis, au Gothard, on avait percé, le tunnel par le sommet, à l’Arlberg on l’a percé par la base, et ce procédé a paru plus sûr, plus rapide et plus économique que le précédent. Les roches traversées ont été principalement le gneiss et le micaschiste, roches de mica et de feldspath ou de mica et de quartz, le micaschiste dominant, tandis qu’au Gothard c’était le gneiss. Du côté tyrolien a été installée la machine perforatrice à percussion de l’entrepreneur Ferroux, aidé de l’ingénieur italien Cecconi, et, du côté suisse, fonctionnait la machine perforatrice à roder de l’ingénieur Brandt, aidé de l’entrepreneur Lapp, Autrichien. La première machine, celle de Ferroux, qui avait été ingénieur en chef au tunnel du Gothard, était actionnée par l’air comprimé produit par des pompes de compression mues par des turbines, la seconde était mue par l’eau sous pression, ainsi que les ventilateurs. C’était la lutte de l’air et de l’eau comprimés : l’air, qui avait déjà fonctionné au Mont-Cenis et au Gothard, l’eau, qui entrait ici en scène pour la première fois et triomphait. Au Mont-Cenis, l’Arc et le torrent de Bardonnèche, au Gothard, la Reuss et le Tessin, avaient fourni de l’eau en abondance ; à l’Arlberg, ç’a été la Rosanna, affluent de l’Inn, du côté tyrolien, et l’Albenz, affluent de l’Ill, du côté suisse. L’installation de tous les appareils hydrauliques a coûté 2 millions de francs. La Rosanna a été barrée à la cote de 132 mètres au-dessus du tunnel, et on a pu ainsi amener l’eau à la pression de 13 atmosphères au bâtiment des machines, qui étaient du système dit à colonne d’eau. En été, la force disponible était de 1,500 chevaux ; en hiver, de 800 seulement, à cause des gelées. Sur l’Albenz, on obtenait des pressions allant jusqu’à 18 atmosphères et une force de 8 à 900 chevaux, dont 450 pour la machine perforatrice. Les machines donnaient 78 pour 100 du travail théorique.

Ce fut le mardi 13 novembre 1883, que le tunnel de l’Arlberg fut achevé par un coup de mine, abattant la paroi rocheuse qui séparait les deux galeries venant à la rencontre l’une de l’autre. Le lundi suivant, 19 novembre, jour de Sainte-Elisabeth, patronne de l’impératrice d’Autriche, fut choisi pour la date de l’inauguration