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Venise, Gênes, Marseille ; et, passé Gibraltar, à Bordeaux, Le Havre, Rotterdam, Amsterdam, Brème, Hambourg, principalement à Londres, et, pour la plus grande part, ce transit, aucun chemin de fer ne le détournera. On transporte sur l’Océan, la route éternelle, et neutre, et gratuite, à moins d’un centime et même d’un demi-centime par tonne et par kilomètre, tandis que, sur un chemin de fer, on ne peut descendre à moins de 2 ou 3 centimes ; et nous avons vu que sur le Saint-Gothard ces prix sont de beaucoup dépassés. Les frets sur mer sont descendus à des minima incroyables, et l’on ne tient même plus compte de la différence des distances. Le fret de Bombay à Marseille, pour le blé, par exemple, est le même que celui de Bombay à Londres ou à Liverpool.

Quant au transit par terre, il est insignifiant pour les marchandises (35,000 tonnes au plus d’Angleterre et de Belgique en Italie par la France, et vice versa) et tout ce transport représente à peine 1 million 1/2 de francs, soit 1/4 pour 100 du rendement des chemins de fer par où il a lieu : le Nord, l’Est, le Paris-Lyon-Méditerranée. Pour le mouvement des voyageurs suivant la même voie, venant du nord et du nord-est, il est d’environ 40,000 individus.

Mais ce qu’il s’agit d’obtenir dans la lutte de nos chemins de fer avec celui du Saint-Gothard, c’est, par exemple, de conserver à Marseille l’alimentation de la Suisse et d’une partie de l’Allemagne du Sud et de l’Ouest, pour les blés et toutes les céréales, les farines, les graines, les laines, les sucres, les vins, les légumes secs, et empêcher que l’Allemagne nous chasse de ces marchés, qu’Anvers ou Hambourg, au nord, et même Gênes ou Trieste, au sud, remplacent Marseille. Car cela est possible, cela se fait, et voici comment. Les tarifs de transit direct d’Allemagne en Italie à travers la Suisse sont à meilleur marché que les tarifs suisses et italo-suisses. A la fin de 1882, on a promulgué des tarifs de faveur encore plus réduits sur les houilles, le sucre, aussi bien contre les importations de la France en Italie que contre celles de l’Angleterre. L’Allemagne a la prétention de chasser du Milanais et du Piémont les charbons anglais, et déjà on installe, sur le lac Majeur, à Locarno, à Luino, des entrepôts de houille, et ces jolis sites deviennent des ports charbonniers, au grand désespoir des touristes. Les négocians de Francfort, de Cologne ne parlent de rien moins que de commercer avec Barcelone et l’Espagne, par la ligne du Saint-Gothard et par Gênes, sans plus passer par Marseille, et déjà une ligne de bateaux à vapeur italo-allemande est projetée pour exécuter ce transit direct.

Nous pourrons lutter utilement contre tout cela. Il existe un tarif international commun entre la Compagnie de