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par kilomètre, ou près d’un million, prix excessif, car la ligne n’a qu’une seule voie. Dans le principe, le capital de la compagnie était de 187 millions ; il a été porté, en 1878, à 238, dont 34 millions d’actions, 85 millions d’obligations et 119 millions de subventions. Celles-ci incombent pour 58 millions à l’Italie, 31 millions à l’Allemagne, 30 millions à la Suisse. La compagnie a son siège social à Lucerne.

Le coût énorme des travaux n’est pas le seul désavantage de la ligne du Gothard. Le faible rayon des courbes, qui ne dépasse pas, sur certains points, 300 mètres, et la cote élevée des rampes, qui atteint 26 millièmes, offrent aussi des inconvéniens graves. Souvent les courbes se suivent en lacets, comme il arrive en pays de montagnes. Enfin, soixante tunnels ou galeries, distribués de part et d’autre du grand tunnel, — trente et un entre Immensee, point de départ de la voie, sur le lac de Zug, et Gœschenen, et vingt-neuf entre Airolo et Chiasso, terminus de la voie sur la frontière italienne, — ayant ensemble un développement double de celui du grand tunnel, c’est-à-dire 28,574 mètres, forment à leur tour un obstacle sérieux à la rapidité et partant, à l’économie des transports. Quelques-uns de ces tunuels sont tournans, suivent même sous le sol une ligne sinueuse, remontant sur elle-même, hélicoïdale, pour racheter les différences de niveau. Tout cela empêche que la vitesse dépasse 25 kilomètres cour les marchandises, et, pour les trains de voyageurs, 30 à 40 kilomètres. De Bâle à Milan, on met douze heures pour faire 400 kilomètres, ce qui fait 33 kilomètres à l’heure. En outre, il faut des locomotives très lourdes, pour assurer l’adhérence sur les rails à la montée ou à la descente, et très puissantes, pour gravir aisément les rampes. Enfin, on est tenu à une plus grande consommation de combustible, sans compter que l’usure du matériel est considérable. En définitive, les dépenses de traction sur ces chemins de fer, dont les rampes varient de 15 à 26 millièmes, sont doubles de celles d’un chemin de fer à faible pente.

Le parcours de la ligne du Gothard, d’Immensee, sur le lac de Zug, à Chiasso, canton du Tessin, sur la frontière d’Italie, est de 232 kilomètres. Le chemin est des plus pittoresques. C’est désormais la route préférée des voyageurs qui vont en Italie et en Orient par Brindisi. On côtoie au départ les magnifiques lacs de Zug et de Lucerne, puis, à Fluelen, commence l’ascension. On suit tout le temps la vallée de la Reuss. On passe par cette série de tunnels dont il a été parlé, et dont quelques-uns sont en hélice, en forme de vis ; on entre par en bas, on sort par en haut. A droite, à gauche les Alpes neigeuses, les glaciers. On franchit le grand souterrain, entre Gœschenen et Airolo. Ce trajet dure vingt-cinq minutes. La température, dans le tunnel, est sensiblement la même que celle