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sépare le Tyrol de la province autrichienne de ce nom, limitrophe de la Suisse. La route va de Landeck à Bludenz ; elle a une longueur de 75 kilomètres, et on la parcourt en neuf heures. Aujourd’hui la voie de terre est remplacée par la voie de fer ; car le tunnel de l’Arlberg, dont nous parlerons en son lieu et place, est terminé depuis le mois de novembre dernier, et les abords en viennent d’être entièrement achevés.

Tous les cols des Alpes dont il vient d’être fait mention sont toujours fréquentés par les voitures et les piétons, même ceux qui aujourd’hui ont été dotés d’un tunnel et sont sillonnés par la voie ferrée. On compte que, chaque année, 350,000 voyageurs passent encore par toutes les routes alpestres, en diligence ou en voiture ; si l’on y ajoute 150,000 piétons, c’est un total de 500,000 individus ; et cela, malgré l’ouverture des tunnels du Mont-Cenis, du Saint-Gothard et de l’Arlberg, dont nous allons maintenant parler.


II. — LE PERCEMENT DU MONT-CENIS.

Le chemin de fer du Brenner n’était pas même projeté que déjà on avait procédé à l’exécution de celui du Mont-Cenis. L’idée première d’un tunnel à travers cette partie des Alpes remonte à 1841 ; elle appartient à un géomètre savoisien, Médail, qui a le premier indiqué que l’endroit où la plus courte galerie pourrait être creusée à travers le massif alpin était le col des Fourneaux ou du Fréjus, où le percement ne dépasserait pas 12 kilomètres, et demanderait trente-six ans. Les procédés merveilleux que la mécanique a mis depuis en usage n’étaient pas encore imaginés. Médail entendait percer sa galerie avec un fleuret à main et l’aérer par des puits inclinés ou obliques. Le roi Charles-Albert, qui voyait là un moyen de faire communiquer rapidement le Piémont avec la Savoie, le glorieux berceau de sa maison, accueillit Médail avec bienveillance et l’écouta avec un vif intérêt ; mais, sur ces entrefaites, la malheureuse guerre de 1848-1849 entre le Piémont et l’Autriche força le roi d’abdiquer, après qu’il eut été défait à Novare, et il alla finir tristement ses jours en Portugal. Son fils, le roi Victor-Emmanuel, reprit le projet de Médail.

Entre temps, le Piémont avait développé ses chemins de fer et construit, avec l’aide d’un ingénieur belge, M. Mans, la voie ferrée de Gênes à Turin, qui est une œuvre remarquable, avec son tunnel du Giovi, coudé, creusé dans les Apennins, et d’une longueur totale de 3,254 mètres. Les rampes y atteignent 29 et même 35 millièmes, dépassant celles du Semmering. L’inauguration de ce chemin de fer date de 1854. Auparavant, dès 1849, M. Maus avait présenté un projet pour le percement des Alpes au moyen d’une ligne ferrée souterraine