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ont servi, de tout temps et en tout pays, de lieu de passage aux hommes et aux marchandises.


I. — LES PASSAGES DES ALPES.

La plupart des cols des Alpes sont célèbres. Ils ont ouvert les communications de peuple à peuple dès les premiers âges de l’histoire. Le col de Tende, qui est comme le nœud qui soude les Alpes aux Apennins, trace encore aujourd’hui, en attendant la construction d’un tunnel et d’un chemin de fer, la route de terre en lacets qui va de Vintimille à Cuneo. En hiver, c’est en traîneau que l’on passe, au milieu des précipices, en dépit des avalanches qui pourraient survenir et au grand effroi de quelques voyageurs novices et timorés. Le passage du Viso conduit de Briançon à Saluces, le Saluzzo des Piémontais, et, par le pas du Mont-Genèvre, on va à Pignerol, dans les vallées vaudoises. Le col du Mont-Cenis, haut de 1,906 mètres, menait de Modane à Suse, en diligence, avant l’établissement du chemin de fer. La route a été ouverte, de 1803 à 1810, par Napoléon. C’est une des plus sûres des routes alpestres ; elle est praticable même en hiver, mais alors en traîneau. Il y avait, quand la route était en plein exercice, vingt-trois maisons de refuge, et le chemin a coûté 7,500,000 francs.

Le col du Petit-Saint-Bernard va de Chambéry à Aoste, et celui du Grand-Saint-Bernard, fameux par le passage de Bonaparte et de son armée, en 1800, du 15 au 21 mai, un mois avant la bataille de Marengo, conduit aussi en Piémont, en partant de Martigny, en Suisse. L’un et l’autre de ces pics flanquent le Mont-Blanc à droite et à gauche. Charlemagne a franchi le Grand-Saint-Bernard en 773, et Frédéric Barberousse en 1106. L’hospice est au col, à 2,472 mètres, et contient deux cents lits. Les dépenses sont de 50,000 francs par an, et sont couvertes par des dons. Au Grand-Saint-Bernard, il gèle même en été. En hiver, il tombe dix mètres de neige. Les chiens de l’hospice, qui aident au sauvetage des voyageurs enfouis sous la neige, sont connus. Il passe chaque année 20,000 personnes par le Grand-Saint-Bernard.

La route du Simplon, qui vient ensuite, a été construite, ou plutôt considérablement améliorée, par le premier consul, qui la fit commencer en 1800, du côté de la Lombardie, et, en 1801, du côté de la Suisse. C’est une route très pittoresque, et l’on ne met que huit heures pour aller de Brieg, dans le Valais, dernière station du chemin de fer de la Suisse occidentale et Simplon, à Isella, dans le Milanais. On peut continuer de là en voiture, par une très