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dans son royaume, et qu’ainsi un nouveau champ allait s’ouvrir, croyaient-ils, aux applications du « principe » de l’égalité.

A Vienne, il s’était fait une petite révolution de chancellerie. Le vieux Kaunitz avait décidément pris sa retraite ; le vice-chancelier, Philippe Cobenzel, le remplaçait depuis le 19 août. Dans des conférences ministérielles qui eurent lieu le 3 et le 7 septembre, on discuta longuement sur la révolution de France et son étrange corollaire, la question des indemnités. L’Autriche persistait à réclamer, outre l’échange de la Belgique contre la Bavière, un supplément de bénéfices : elle demanderait Anspach et Baireuth ; faute de les obtenir, elle se rejetterait sur l’Alsace ou sur la Pologne. Mais elle considéra que l’Alsace était loin, que les Alsaciens montraient peu de dispositions, que la France chercherait toujours à reprendre cette province, et elle conclut pour la Pologne. Il restait à prévoir un cas bien délicat : celui où, la Prusse ayant pris son lot en Pologne, l’échange de la Bavière ne se pourrait opérer, soit que les Bavarois s’y refusassent, soit que, par le fait des Français, la Belgique ne fût plus disponible. Pour se garantir contre ce danger, les Autrichiens jugèrent prudent d’occuper, à titre de nantissement, autant de districts polonais qu’en occuperaient les Prussiens ; si l’échange s’opérait, on évacuerait une partie de ces districts, et l’on ne conserverait que les territoires constituant le complément, le surrogat d’indemnité, comme on disait. Il fut décidé qu’une négociation serait ouverte, à cet effet, avec la Prusse, et le référendaire Spielmann, qui fut chargé de la conduire, partit le 12 septembre pour le quartier-général de Frédéric-Guillaume. Ses instructions, quant aux affaires de France, prévoyaient le cas où, le roi et le dauphin venant à succomber, Monsieur serait en position de faire valoir ses droits. L’Autriche estimait qu’alors il serait aussi imprudent que dispendieux de poursuivre la guerre pour imposer à la nation un gouvernement dont elle ne voulait point. Il faudrait au moins que l’Espagne et l’Angleterre s’en mêlassent, ce qui semblait douteux. L’instruction admettait donc l’hypothèse d’une paix qui laisserait la France divisée : une partie, les départemens royalistes, sous Monsieur, le reste en états confédérés. Si, par bonheur, le roi et le dauphin conservaient la vie, Spielmann était autorisé à approuver une négociation entre le gouvernement français et le duc de Brunswick : le salut de la famille royale et le rétablissement de Louis XVI sur le trône en formeraient les conditions essentielles. Le sentiment des difficultés de la guerre, la crainte que la Prusse n’obtînt des succès trop prononcés, l’arrière-pensée de ne se point engager à fond sans être sûr d’avoir la Bavière ou au moins des palatinats polonais, l’abandon éventuel de la cause royaliste, la tendance à négocier et à transiger avec la