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dix-huit sur une ligne à double voie. Cela parait faible et l’on croit chez nous, peut-être à tort, pouvoir en faire passer beaucoup plus. En tous cas, le débarquement une fois opéré, il convient de dégager aussitôt les quais et les gares, qui doivent être pourvues pour cela de voies d’accès commodes et bien entretenues.

Nul pays en Europe, à l’exception de l’Angleterre et de la Belgique, ne possède un réseau de routes comparable au nôtre. On doit donc espérer que chaque division d’infanterie disposera d’une route ou d’un chemin carrossable distinct, ce qui permettra de mettre en mouvement un corps d’armée à la fois et de le faire arriver de bonne heure à l’étape. Même avec une pareille facilité, il ne faudra pas moins réduire dans une forte proportion le nombre des voitures, qu’on tend au contraire à augmenter chaque jour, par le désir bien naturel de pourvoir la troupe de tout ce dont elle a besoin. Il résulte de là que les mouvemens seront entravés au point d’être rendus impossibles, car la colonne des voitures d’un corps d’armée, telle qu’elle est organisée, mettrait toute une journée à défiler sur une seule route et ne rejoindrait jamais la troupe en marche. Partagée en deux, à la suite des divisions d’infanterie, elle ne pourrait le plus souvent partir que l’après-midi, pour arriver à une heure avancée de la soirée. Ce serait une chose déplorable, qui augmenterait beaucoup la fatigue des hommes et des chevaux, rendrait les distributions impossibles et ruinerait promptement les attelages. D’ailleurs, si une agglomération de plus de deux mille voitures de natures très diverses est un encombrement terrible, une masse de mille à douze cents n’est point du tout maniable. Il faut absolument réformer cela. On devra diviser le convoi en plusieurs colonnes légères de vivres ou de munitions ; avoir une ambulance volante pour les premiers besoins avec chaque division, et laisser celles des hôpitaux à une marche en arrière, pour ne les approcher que si l’on prévoit un combat. Cela n’aura pas d’inconvéniens, car les malades sont toujours beaucoup plus nombreux que les blessés. Chaque jour on les laissera au gîte et ils seront recueillis le soir par les ambulances. Enfin on devrait réduire à presque rien les bagages des corps, supprimer les cantinières qui les accompagnent. Le sacrifice serait plus apparent que réel, car l’officier en marche ne revoit presque jamais ses bagages, et il ne peut compter que sur ce qu’il porte avec lui. Les caisses-cantines dont on l’oblige à se munir sont reléguées à l’arrière-garde, c’est-à-dire à 20 ou 30 kilomètres de lui. L’armée fait-elle séjour, les bagages ne le rejoignent pas. On les réunit au parc, et il lui faut faire plusieurs lieues pour les retrouver. Heureux encore si un mouvement imprévu, un détachement quelconque ne l’en séparent pas à jamais ! De tout cela résultent des dépenses et une gêne très grandes pour l’officier,