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polygones et ont besoin d’une très grande habitude de manier et de tirer les bouches à feu qu’ils doivent servir. L’idée de l’égale répartition entre tous les corps d’armée a conduit à installer des garnisons d’artillerie loin des champs de tir et de manœuvre, en des lieux même où l’eau et les fourrages sont rares, comme elle a fait disperser un certain nombre de batteries loin des corps auxquels elles appartiennent.

Quelques réformes seraient à introduire aussi dans l’organisation des services secondaires de l’armée. Le corps du génie a dans ses attributions tout ce qui se rapporte aux engins employés à la guerre, ainsi que le service des constructions. Cela exige une instruction aussi étendue que variée : on ne peut la posséder qu’à la condition de s’entretenir par une pratique constante et en se tenant au courant des progrès réalisés par l’industrie. Comme elle en a fait beaucoup depuis le commencement de ce siècle, les méthodes à suivre pour l’attaque et la défense des places éprouveront de notables changemens. Il faudrait donc modifier en conséquence l’instruction à donner aux officiers et à la troupe.

Les ouvriers d’administration se trouveront avec facilité parmi les appelés des classes, et, rendus à la vie civile, ils continueront à se perfectionner dans leur état. Mais, pour obtenir de leur travail le produit qu’on doit en attendre, il faudrait en faire de véritables compagnies d’ouvriers, comme en Allemagne, et non des ouvriers-soldats, qui ne sont bons, ni comme ouvriers, ni comme soldats. Par égard pour la convention de Genève, il importe aussi particulièrement que les infirmiers ne soient pas organisés comme une troupe armée.

Quant au train, il a des cadres très insuffisans. On a toujours trouvé très difficile de maintenir le bon ordre dans un convoi, qui constitue toujours un commandement fort important à cause du nombre et de la variété des élémens dont il est composé. D’après l’organisation actuelle, un corps d’armée sera accompagné de plus de 2,000 voitures, dont la file occupera 25 à 30 kilomètres. Un tel commandement comporterait un général expérimenté, secondé par un groupe d’officiers habitués à la conduite des convois, connaissant les précautions à prendre pour l’entretien du matériel. On n’y veut affecter qu’un ou deux officiers supérieurs et quelques capitaines avec des officiers de réserve, c’est-à-dire des personnes étrangères à l’armée et au service très compliqué qu’elles auront à diriger. On risque fort d’avoir, dès le premier jour, nombre de chevaux blessés, de voitures détraquées, et de réquisitionnaires débandés. A la moindre alerte, il se produirait une panique et une vraie débâcle.

L’augmentation des cadres du train comporterait une certaine dépense, qu’il faudrait compenser par des économies faites d’autre