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réunit les inconvéniens de ces deux manières de faire, en les aggravant même, et sans en avoir aucun des avantages. Les corps sont formés, en principe, d’hommes pris dans toutes les parties de la France ; mais, après avoir accompli la première partie de leur service, ils sont versés comme réservistes dans le régiment qui tient garnison au lieu de leur résidence. Au moment de la mobilisation, la composition sera donc régionale pour les deux tiers environ de l’effectif. L’esprit de corps se trouve ainsi détruit ; le soldat rappelé au service ne retrouvera plus les chefs auxquels il était habitué à obéir, ne sera pas lui-même connu de ses nouveaux officiers ; et les régimens, presque entièrement composés de soldats nouveaux, seront, en réalité, en voie de reformation au début d’une guerre. Cela sera d’autant plus grave que les différentes armes ne devant pas être accrues de la même manière par le passage du pied de paix au pied de guerre, on a décidé qu’un certain nombre d’hommes ayant fait leur apprentissage dans l’une seraient envoyés dans une autre où ils seront tout à fait novices. C’est ainsi que le train sera composé en grande partie avec des hommes tirés de la cavalerie. La mesure est des plus mauvaises ; les militaires expérimentés n’ont jamais rien fait de semblable que dans des circonstances exceptionnelles, et ils ont toujours regardé les changemens de corps, le passage d’une arme il une autre surtout, comme une chose très contraire à la solidité des troupes.

Les quatrièmes bataillons des régimens d’infanterie ne faisaient point partie des projets primitifs. C’est un expédient auquel on a eu recours pour ne pas trop affaiblir l’infanterie, lorsque la chambre a voulu réduire les bataillons à quatre compagnies. Depuis, on les a séparés de leurs corps pour former les garnisons des places fortes et augmenter la sécurité de la frontière. Ils dérangent sans utilité l’uniformité de la répartition des contingens. L’éloignement où ils sont de la portion principale complique la comptabilité, donne lieu à des transports coûteux de matériel, ou oblige à créer des magasins supplémentaires. Enfin les colonels portent peu d’intérêt à des fractions détachées qui échappent à leur influence et ne serviront pas sous leurs ordres en cas de guerre. C’est donc une création regrettable qu’il faudra abandonner tôt ou tard, et l’on a déjà parlé de réunir les quatrièmes bataillons pour en faire de nouveaux régimens, ce qui serait une augmentation peu justifiée des états-majors.

Les compagnies de dépôt sont aussi une création malheureuse. Les dépôts, si indispensables en temps de guerre, ne sont d’aucune utilité en temps de paix. Leur objet est de recevoir les jeunes soldats quand les compagnies actives ne peuvent le faire, et de les instruire. Ils recueillent aussi les hommes éclopés, fatigués, qui