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trouvé la même gloire. Non ; jamais l’Italie ne voulut l’adopter, et l’Allemagne, qui cependant le revendique comme un des siens par un droit que les romanistes appellent le droit de postliminium, ne le mit jamais au rang qu’il méritait : « Les Français seuls, dit Fétis, rendirent d’abord justice à ce grand homme. Le pays qui l’avait vu naître ne montra pas seulement de l’indifférence pour sa musique ; des critiques amères y furent publiées sur les inventions qui s’y trouvaient. On crut les flétrir en disant « qu’elles n’étaient bonnes que pour les Français. »

Plus d’un cependant, parmi les maîtres étrangers, rendit hommage à son génie, ne fût-ce que par l’imitation de son style. Contentons-nous de citer Salieri, Sacchini et celui-là même qu’on osa lui opposer, son rival Piccinni. Bien d’autres sont venus depuis qui l’ont pris pour maître. Parmi ceux qui nous touchent de plus près, et parmi les plus grands, est-il besoin de nommer Berlioz ? Serait-il aussi sans intérêt aujourd’hui de rechercher influence que l’auteur d’Alceste a elle sur l’auteur, bien allemand celui-là, de Lohengrin, et de voir comment Wagner, par des moyens souvent analogues, a tenté, lui aussi, de résoudre le problème si complexe de l’expression musicale ?

On le voit, Berlioz a pleinement raison lorsqu’il parle de l’immense distance qui sépare Gluck et Lully, mais il a tort assurément d’affirmer que si Gluck fût venu cent ans plus tôt, il nous eût laissé les mêmes chefs-d’œuvre. Qu’il eût compté comme un musicien de génie, nous n’en pouvons douter ; mais, sans contredit, nous n’admirerions pas aujourd’hui les ouvrages les plus parfaits qui soient sortis de l’esprit humain. Du reste, c’est à cette perfection, à cette merveilleuse conscience artistique qu’il doit d’être resté le musicien de quelques milieux ou plutôt de quelques églises, mais n’oublions pas que s’il a pu y atteindre, c’est avec le secours de ses devanciers français, en tirant la musique du cercle étroit où elle étouffait, et en lui imposant pour seule règle « l’imitation de la nature. »

Cet idéal a-t-il changé, et n’est-il pas celui de tous les maîtres ? Nous ne parlons pas de Mozart, qui n’en eut jamais d’autre, mais inconsciemment, par le seul instinct du génie, comme dans Don Juan et dans Idoménée, ni de Beethoven dans Fidelio. Pour trouver un exemple moins éloigné de nous, parmi les contemporains, ne doit-on pas regarder Berlioz comme le plus glorieux disciple de Gluck ? Or, dans ses œuvres dramatiques, telles que les Troyens à Carthage et la Prise de Troie, ne voit-on pas toujours derrière lui la grande ombre du maître qui lui montre la source où il a puisé ses plus belles inspirations ? Nous voici déjà loin de cette esthétique rêvée par les philosophes du XVIIIe siècle, « de cette simple